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VIP-Blog de perekjean
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  • Créé le : 05/02/2013 13:43
    Modifié : 02/07/2014 22:26

    masculin (31 ans)
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    Littérature post-crise électorale ivoirienne

    15/04/2013 23:42



                     Littérature post-crise électorale ivoirienne

     

    Chaque période et événement produit et accouche sa propre littérature. Celle-ci permet de fixer les événements de cette période pour la réflexion mais surtout pour la postérité. On y rapporte et analyse ces faits qui ont marqué cette période, les acteurs clés et donc incontournables qui ont suscité ces faits. Pour ce qui concerne notre période, la littérature périodique donne l’image des événements qui ont marqué son histoire. Quand on dit que les Ivoiriens sont formidables, ce n’est pas un simple slogan pour émouvoir quelque esprit. Généralement, quand on dit que les Ivoiriens sont formidables, on fait référence à leur nature humoristique et joviale qui leur fait tourner en bourrique et banaliser leur douleur et leur galère causées par les hommes politiques. Les exemples sont légions qui attestent nos propos. La crise post électorale qui dure depuis novembre 2010 a produit elle aussi sa propre littérature. Nous voulons ici signaler et analyser quelques œuvres nées au cours de cette période douloureuse de notre pays. Cette littérature est abondante. Nous relevons ici les œuvres à notre disposition que nous avions pris le temps de relire et d’essayer de comprendre.

     

     

    1. Gnangui Adolphe, Côte d’Ivoire : 11 avril 2011. Le coup d’Etat de trop de la France en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, 139p.

     

    Enseignant- chercheur à l’institut national polytechnique Félix Houphouët Boigny de Yamoussoukro, aujourd’hui en exile, le professeur Adon Gnagui rapporte dans ce livre, avec grande émotion, comment il a pu échapper à la mort pendant la crise postélectorale à Yamoussoukro. Dans cet ouvrage, il fait une analyse serrée et assez intelligente des rapports de la France avec la Côte d’Ivoire. Il relève que la Françafrique est l’outil moderne et scientifique de la perpétuation de la domination française en Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire. Dans son analyse, il souligne avec pertinence le rôle et l’implication directe de la France en Côte d’Ivoire et donne également, sans être une redite ou du déjà entendu et lu, les raisons du coup d’Etat électoral de la France : « En réalité le haro de la France sur les pays africains et notamment sur Côte-d’Ivoire trouve sa justification, en tout cas en grande partie, dans le fait qu’elle a peur de l’émergence de ces pays qui lui servent de vache à lait et risquent de ne plus l’être s’ils se tournent résolument vers le développement ou s’ils émergent, ce qui voudrait dire, ou laisse comprendre, que le bonheur de la France devrait faire le malheur des pays africains, comme le sous-tend l’adage » (p.50). Son analyse va surtout au-delà des faits vécus et de l’émotion d’avoir échappé miraculeusement à un meurtre pour décrire et faire découvrir les « fondements de la crise postélectorale » dont l’épicentre est le contrôle des ressources naturelles de notre pays. Comme tous les analystes sérieux et pertinents, il fixe le début de notre galère à partir du coup d’Etat de 1999 dont les auteurs sont au pouvoir aujourd’hui à Abidjan, et place Laurent Gbagbo au centre de la turbulence de la stratégie d’anéantissement de la Côte d’Ivoire menée de main de maître par la France guerrière et pillarde. Dans ce sens, il relève le paradoxe saisissant de la « politique africaine de la France » pour conclure que les événements du 11 avril 2011constituent un coup d’Etat de trop de la France en Afrique.

     

     

    1. ONANA Charles, Côte d’Ivoire. Le coup d’Etat, Paris, Duboiris, 2011, 415p.

    Dans la littérature post crise ivoirienne, le best-seller a sans doute été Côte d’Ivoire. Le Coup d’Etat du camerounais Charles Onana, journaliste d’investigation et auteurs de nombreux ouvrages de référence mondiale. Spécialisé dans l’investigation et donc dans les enquêtes serrées, Charles Onana a réussi un véritable coup en faisant parler Laurent Gbagbo depuis sa prison de Korhogo là où ses propres avocats ne pouvaient pas le joindre aussi facilement : « Ce sont les soldats français qui ont tout fait. Ils ont bombardé du 31 mars au 11 avril 2011…En fait, les français ont encerclé la résidence et au lieu d’achever leur mission c’est-à-dire de venir me prendre eux-mêmes, ils ont plutôt envoyé les rebelles me prendre. Je tiens tout de même à préciser qu’ils ont envoyé les rebelles m’arrêter devant les caméras » (pp345-347).  Des chapitres tels que la préface de Thabo Mbeki, Le cacao, Armajaro, l’argent et les Ouattara, le combat politique des banques françaises, Sarkozy et le coup d’Etat contre Gbagbo, font figure de révélations quasi inédites qui donnent à ce livre une aura extraordinaire et hors paires. Le reproche qu’on ne pourra jamais faire à ce livre, c’est d’avoir dit la vérité sur les évènements douloureux qui ont dramatiquement heurtés la vie des Ivoiriens. C’est aussi d’avoir abandonné le chemin tracé par les « spécialistes » patentés de l’Afrique qui n’ont qu’une seule lecture de leur objet de spécialités et qui ne connaissent en réalité l’Afrique qu’à travers les cartes postales. D’ailleurs, contre les maîtres-chanteurs occidentaux qui y voyaient et lisaient une diffamation et relevaient selon leur propre lecture, du reste biaisée et volontairement étriquée, un « tissu de mensonges », l’auteur a crié sous tous les toits qu’il était prêt à répondre de son livre devant les tribunaux si le sieur Ouattara l’y convoquait. Mais le maître d’Abidjan n’a jamais osé un tel acte qui ne mettrait qu’à nu toute sa forfaiture. L’analyse de Charles Onana part donc de faits réels, vérifiables dans le temps et l’espace, avec les acteurs clés bien nommés et donc bien connus qui peuvent être repérables et interrogés sur leur rôle dans le drame ivoirien. Ce livre n’est pas de la littérature pure, encore moins de la fiction évasive et en aucun moment, on ne sent une digression de l’auteur par rapport au sujet qu’il a choisi de traiter. Il va droit au but et ne se laisse pas distraire par les évènements qui s’enchainent pourtant les uns après les autres. Notons dans ce sens le titre même de l’œuvre et la courageuse préface de Thabo Mbéki qui de prime abord situent l’enjeu et l’intérêt mêmes de ce livre. Contrairement à la presse occidentale et française en particulier qui ont choisi dès le départ leur camp, guidés certainement par les avantages et les profits du moment, il fait remonter la crise post électorale loin dans le temps et en fait comprendre les enjeux qui somme toute ne sont qu’économiques mais couverts de couches politico-militaires qui la rendent par moments extrêmement incompréhensible voire ennuyeuse pour celui qui ne la vit pas directement au quotidien comme nous. En font foi, les chapitres historiques comme Bédié, la France et l’ivoirité, Ouattara l’héritier contesté, Gbagbo l’opposant historique et Les ennuis de Gbagbo commencent. Ce cadre historique savamment dressé par l’auteur donne à l’amateur de la crise ivoirienne une grille de lecture de première main et un autre son de cloche pour ouvrir son intelligence à la compréhension des faits. Il en est de même des annexes qui, assez documentés, peuvent constituer des sources d’enquêtes. Au total, Côte d’Ivoire. Le coup d’Etat peut être considéré comme un livre d’histoire mis à la disposition des étudiants, des enquêteurs, des chercheurs et des curieux qui refusent de s’abreuver aux sources mensongères de la presse française qui n’est pas une actrice non moins directe de notre malheur. Au terme, son avertissement est précieux : « Il est indéniable que la conquête et la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara marquent un tournant décisif dans la culture politique des prochains dirigeants de ce pays » (pp 398-399). Si ce n’est pas un avertissement, c’en est pas loin. Le cas actuel centrafricain en est une réponse évidente.

     

     

    1. BANIAFOUNA, Calixte, Ce que France veut Afrique veut : Le cas de la Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan, 2011, p.186.

    Dans la tragédie ivoirienne, les intellectuels camerounais ont porté à bout de bras leur homologue ivoirien Laurent Gbagbo et son peuple. Eux ont compris que la guerre de la France contre la côte d’Ivoire est en fait la guerre déclarée à toute l’Afrique. Ils ont vu en Laurent Gbagbo le porte-flambeau. On peut citer quelques-uns comme Théophile Kouamouo (qui a dû démissionner de son poste de correspondant du journal français Le Monde en Côte d’Ivoire dès le déclenchement même de notre crise en 2002), Calixte Béyala (qui ne manque aucune occasion pour tancer le pouvoir dictatorial d’Abidjan), Charles Onana dont l’œuvre a été visitée plus haut et Calixte Baniafouna dans cette œuvre que nous étudions maintenant. Dans celle-ci, il voit dans notre crise « la main noire de la France » (pp.39-62). Il relève l’attitude « d’une France nostalgique à jamais » qui a actionné deux leviers dont il demeure encore le maître en Afrique : les leviers « historique » et celui du « choix du candidat » aux élections présidentielles en Afrique (pp.44-45). Il ne manque pas de faire le « procès d’une Afrique incapable » de se donner les moyens intelligents pour résoudre ses propres crises et qui doit toujours brader et vendre sa dignité à l’Occident pour voler à son secours : « L’incapable Afrique ! Incapable de régler ses problèmes. Incapable de se prendre en main. Incapable de se libérer. Incapable de se développer. Et pourtant… » (P.46). Il y analyse « l’illusoire libération des ouattaristes par Nicolas Sarkozy » ; « Héro à Yamoussoukro et à Abidjan où il est accueilli en sauveur par les partisans d’Alassane Ouattara. Debout comme un seul homme, d’un hurlement contagieux, emballant et hystérique, les partisans d’Alassane Ouattara sont dans une euphorie qui n’a de semblable que celle de Nicolas Sarkozy le jour de sa victoire électorale en 2007 » (p.132). Il ne manque pas également de fustiger ce retour en force en colonie. Au total, en suivant certes un discours anti-impérialisme créé par les intellectuels africains épris de libération, Baniafouna C. apporte une touche spéciale qui est une analyse simple mais non moins pointue d’une situation qui mobilise aujourd’hui encore l’univers entier et dont le dénouement reste très attendu.

     

    1. Le Toubabou, Cruelle Côte d’Ivoire. L’éléphant et le « machin », Paris, L’Harmattan, 2011, 144p.

    Avec ce régime qui a radicalement opté pour la dictature et la maltraitance de son opposition et de tous ceux qui lui portent la critique, il ne fait pas toujours bien de le pourfendre à visage découvert. D’ailleurs lui-même aussi est masqué. L’auteur de ce livre a décidé de ne pas dévoiler son identité propre. Il écrit donc sous un pseudonyme : Le Toubabou. Cependant, son œuvre ne manque pas de pertinence. En remontant aux faits qui ont provoqué notre crise, l’auteur fait découvrir les conditions psychologiques qui ont conduit au drame. Il essaie de faire connaître les principaux protagonistes de notre crise : Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Du premier il écrit : « Gbagbo aurait dû organiser l’élection présidentielle, les législatives et les municipales en octobre 2005. Multipliant les prétextes, il a été autorisé par l’Onu à rester sur le trône jusqu’au 31 décembre 2006. Il devait utiliser cette période additionnelle pour organiser les élections. Ce délai de grâce n’a pas été prorogé par l’Onu. Gbagbo était donc forclos depuis cette échéance. A cette époque, l’Onu aurait dû constater sa déchéance et désigner un mandataire chargé d’organiser les élections…dans un cours délai (trois mois par exemple). Gbagbo a profité et abusé de la compréhension, de la mansuétude de l’Onu ; il en a conclu en 2010 qu’il pouvait persister » (p.49). Bien entendu, une telle description et analyse des faits va à l’encontre de la réalité. Car ce n’est pas l’Onu qui a maintenu Gbagbo au pouvoir en 2005. C’est bel et bien la constitution ivoirienne. Pourrait-on vraisemblablement confesser que l’Onu a-t-il jamais manifesté de la « compréhension » et de la « mansuétude » envers Gbagbo Laurent ? D’Alassane Dramane Ouattara, Le Toubabou écrit : « Alassane Dramane Ouattara n’a vécu aucune carrière politique ; il ne fut ni député, ni maire. La seule fonction qu’il exerça en Côte d’ivoire, fut celle de premier ministre, pour laquelle il avait été recruté tel un cadre de direction…Bien que les insurgés du Nord (2002) se réclament de lui, il ne reconnaît aucune responsabilité dans les opérations du 18 septembre 2002 ». On sent chez Le Tababou une volonté de rester à équidistance des différents clans qui se sont affrontés en Côte d’Ivoire. Mais, peut-on trouver quelqu’un de neutre dans notre crise ? Même si son analyse permet de comprendre un tant soit peu un pan de notre misère actuel, Le Toubabou pèche dans certaines analyses à cause de sa volonté de rester neutre et équitable.

     

    1. GBALLOU, Roger, Côte d’Ivoire : Le crépuscule d’une démocratie orpheline, paris, L’Harmattan, 2011.

    Membre fondateur de la jeunesse du FPI, Roger Gballou, dans ce livre, fait lui aussi une analyse de la crise pré et post électorale et de ses conséquences actuelles sur la vie du pays. Le propos de son livre semble la promotion des libertés publiques et la bonne gouvernance sans lesquelles l’avenir de notre pays sera toujours livré aux mains assassines bénéficiant de complicités malveillantes internes et externes. Le titre du livre est évocateur qui donne une photographie de la réalité actuelle dans le pays. En effet, depuis le 11 avril 2011, le crépuscule étouffe notre démocratie laissée orpheline. Il exalte l’esprit patriotique en Côte d’Ivoire et fait comprendre que l’humilité, dans l’état actuel de notre crise, est un outil de gouvernance et de paix : « l’histoire de la crise ivoirienne montre que seule l’humilité, en tant qu’outil de gouvernance dans une république pré-démocratique permet de préserver la paix, de renforcer les institutions de la République et de consolider la Nation » (p.236). Commencée avant les élections de 2010, l’écriture de cet ouvrage à la fois pré et post électorale a l’avantage de nous promener sur deux moments importants de notre crise qui se tiennent sans jamais s’opposer. On ne peut pas traiter l’un sans s’en référer à l’autre. Il n’hésite pas à conclure que notre élection a été une « symphonie inachevée » qui rend brumeux l’avenir même du pays.

     

    1. BLE GOUDE, Charles, Côte d’Ivoire : traquenard électoral, Paris, L’Harmattan, 2011, 137p.

     

    Le leader de la jeunesse patriotique ivoirienne sous Laurent Gbagbo n’est pas uniquement qu’un tribun ou un homme des micros. Il est aussi écrivain. Ses deux premières œuvres ont été de best-seller. Il en a de même de cette troisième écrite en exile. Côte d’Ivoire : traquenard électoral se veut un livre d’engagement qui situe son lecteur dans l’ambiance pré et post électorale. Il fait vivre et revivre toutes les émotions suscitées par cette période tumultueuse de la vie récente de notre pays. Ce qui fait le charme de ces récits, c’est qu’ils sont relatés par un acteur de première main, un protagoniste principal de ces périodes. Ce livre veut aussi retracer le parcours de l’auteur diabolisé par les médias occidentaux et français notamment et injustement sanctionné par la Sulfureuse. Sans passion, Charles Blé Goudé essaie de dire et de faire comprendre ce qu’il est en réalité. Avec la formule célèbre mais volontairement méprisée par ces mêmes médias, « la victoire aux mains nue », l’auteur se pose en son propre avocat et défend sa cause avec fermeté et rigueur face aux juges de ce monde qui semblent déjà l’avoir condamné sans jugement: « Quant à moi, je suis resté fidèle à ma philosophie de toujours : avoir pour souci la vie de ceux au nom de qui je parle. C’est pourquoi, je n’ai pas voulu lancer d’appel à la mobilisation dans un contexte de guerre, où tirer une balle dans la tête d’un être humain était devenu désormais un acte banal. » (p.111). Contre tous ceux qui le condamnent injustement, il répond que « toutes ces accusations sont en réalité non-fondées. Mon combat a toujours été placé sous le signe de la mobilisation populaire non-violente. Et le symbole de ce combat est un matelas, illustrant mon recours à cette méthode connue de tous les adeptes de la non-violence active : les sit-in » (p.108). Quoi qu’on pense de lui, l’auteur de ce célèbre livre restera dans la conscience de la jeunesse ivoirienne et même africaine comme celui qui a tenu de bout en bout le régime et la gouvernance du président Laurent Gbagbo en s’opposant farouchement à l’impérialisme français. Ces appels à la mobilisation pacifique depuis l’éclatement de la guerre en 2002 l’attestent bien. Mais la justice des vainqueurs continuent encore de le poursuivre pour s’être opposé à leur destin.

     

     

    1. Leslie Varenne, Abobo la guerre Côte d’Ivoire : terrain de jeu de la France et de l’Onu, Paris, Mille et une nuits, 2012, 269p. 

        Ce livre est un témoignage de première main qui a l’avantage de nous faire comprendre les événements douloureux vécus dans cette partie de la capitale économique prise en otage dès janvier 2011 par la bande à IB avec l’aide de la Licorne et de l’Onu. Abobo a été pendant plusieurs semaines le point culminant et dramatique de la crise armée post électorale de notre pays. Les nouvelles qui y provenaient n’étaient pas reluisantes. Le fameux et sulfureux « commando invisible » y sévissait dangereusement en s’attaquant aux forces régulières. Ce livre qu’on peut considérer comme l’agenda public de la guerre d’Abobo nous ouvre l’esprit sur certains faits qui ont défrayé la chronique et qu’on peut aujourd’hui considérer comme les catalyseurs de la crise. Nous pouvons surtout relever  « la bataille de l’émetteur » ou « la guerre du cacao ». En le lisant, on ne peut pas douter que Leslie Varenne ait eu des atomes crochus avec ce mystérieux et dangereux « commando invisible ». D’ailleurs les circonstances de la prise de la photo placée en couverture de son livre dit tout sur les relations de l’auteur avec ces rebelles qui ont pris une partie d’Abidjan en otage et traitent directement avec l’hôtel du Golf. L’auteur réussit à décrire, souvent dans les détails surprenants, comment le pays a pu sombrer par Abobo. Elle ne manque pas également de relever que la Côte d’Ivoire était devenue le « terrain de jeu de la France et de l’Onu ». Sa thèse s’appuie sur des faits précis dont elle a eu des informations de premier plan. Française, elle ne manque pas pourtant de fustiger l’attitude incongrue et incompréhensible de son pays dans la crise qui a secoué la Côte d’Ivoire pendant plusieurs années : « Lorsque Guillaume Soro devient le patron de la zone Nord, il a trente et un ans. Comment imaginer qu’un civil aussi jeune puisse avoir sous sa coupe 50% d’un pays comme la Côte d’Ivoire, locomotive de toute l’Afrique de l’Ouest ?  Comment croire qu’un jeune homme puisse diriger, avec ses comzones, un territoire riche en diamants et en minerais sans avoir de puissants parrains derrière lui ? » (p.194)

    Au total c’est un livre courageux d’histoire qui servira aux générations futures pour se faire une idée précise sur une crise dont les tenants et les aboutissants demeurent encore troubles et obscurs.

     

     

    1. SEHOUE Germain, Le commandant invisible raconte la bataille d’Abidjan, Paris, L’Harmattan, 2012, 83p.

     

    Livre-témoignage ou livre-révélation ? En tout cas, cette œuvre du journaliste du quotidien Le Temps jette un pavé dans la mare de ceux qui, pour nuire à Gbagbo, ont tout orchestré pour produire du faux. En recueillant, par interview, le témoignage édifiant de ce « commandant » du mystérieux « commando invisible », le journaliste-écrivain adopte un mode d’écriture qui était jusque-là assez rare dans la littérature pré et post crise en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, ce livre est apparu au cœur des débats lors de la confirmation ou non des charges dans l’affaire procureure contre Gbagbo. La procureure et son équipe ont tenté de dés-authentifier et de discréditer ce livre qui met à nu tout leur mensonge sur les faits pour lesquels ils ont cru devoir déporter Gbagbo à la Cpi. Parlant de la marche des femmes d’Abobo, il dit : « Cela a été mis en scène pour pouvoir constituer les dossiers pour l’incriminer plus tard. La marche avait pour but immédiat d’attirer l’attention de la communauté internationale sur nous, d’influencer l’opinion publique, surtout celle du Panel de l’Union africaine qui planchait sur le dossier ivoirien » (p.42). Ce « commandant invisible » dont l’auteur prouve son existence durant tout le livre dit avoir vécu la guerre d’Abidjan et en raconte ses péripéties dont on ne peut vraiment douter de bonne foi. Quand on sait que la guerre d’Abidjan a été déterminante pour le renversement du président Gbagbo, on peut comprendre tout l’intérêt de ce livre-révélation assez bouleversant. On pourrait reprocher à l’auteur d’être un pro-Gbagbo pur et dur mais son livre ne manque pas moins de pertinence. De notre point de vue, ce qu’il recherche à travers cette interview avec son compagnon, c’est de montrer la vérité crue et l’opposer aux mensonges des médias occidentaux qui travestissent, sous nos tropiques, la vérité de l’histoire et écrive cette histoire selon leur civilisation et leur plan de diabolisation des Africains dignes.

     

         En somme, la littérature post-crise électorale dans notre pays, permettra aux chercheurs, étudiants et aux générations présentes et surtout futures de s’abreuver aux sources de l’histoire récente et bouleversante de notre pays. L’implication directe et brutale de la soi-disant communauté internationale, la France en tête, dans une simple affaire d’élection démontre que les vrais enjeux pour lesquels il fallait « coûte que coûte » organiser ces élections se trouvent cachés. Il ne s’agissait pas en effet de trouver un Ivoirien pour gouverner les autres Ivoiriens, mais quelqu’un pour faire de la Côte d’ivoire la vache à lait de l’Occident et de certains pays voisins dont le Burkina Faso. Les événements actuels surtout à l’ouest le démontrent fort bien. Et tous les moyens ont été employés pour parvenir à cette fin cynique. Pour nous qui essayons chaque jour de comprendre les choses de cette façon, il n’y a pas de doute qu’il nous faut une révolution populaire pour afficher et affirmer davantage notre indépendance.

     

    Père JEAN K.

    E-mail : perejeank@yahoo.fr

    www.perekjean.vip-blog.com





     

     

    Tous des criminels

    12/04/2013 23:45



    Tous des criminels

         De tous ceux qui bombent aujourd’hui la poitrine et qui règnent en maîtres absolus, tyrans et dictateurs sur notre pays, qui peut prétendre être saint ? En réalité, tous sont des coupables et dans notre cas, tous sont des criminels à un degré très avancé, mais des criminels bien protégés ici et ailleurs pour les besoins de la cause. Ils se sont installés à la tête d’un Etat qu’ils ont criminalisé à souhait pour le piller et le brader. Selon le psalmiste : « Tous, ils sont dévoyés ; tous ensemble pervertis : pas un homme de bien, pas même un seul » (Psaume 13, 3). Il est heureux que des organisations des droits de l’homme, que je n’ai jamais porté dans mon cœur, assujettis à des pouvoirs financiers, commencent de plus en plus à ouvrir leurs propres yeux et oreilles et ceux de la Nébuleuse sur les crimes odieux et inhumains commis par ceux qui croient encore être saints et ne poursuivent leurs ennemis que dans les autres camps. A l’évidence, ces organisations qui depuis toujours ont soutenu de bout en bout la guerre de Ouattara contre les Ivoiriens dans l’opposition et sa dictature chaude et laide actuelle au palais ivoire, en tournant casaque  aujourd’hui, comprennent, même sur le tard, l’horreur et la terreur qui règnent sur le pays, volontairement installées par leur allié et compagnon de guerre de toujours. Sont-ils sincères ou pas et pour quels autres intérêts trouvent-ils aujourd’hui nécessaire de brocarder leur allié qu’ils ont toujours porté et protégé pour les intérêts du ventre, la « ventrologie » ? Une chose est sûre, quel que soit le temps, la vérité rattrape toujours le mensonge. En exposant maintenant publiquement l’ignominie de leur allié et de ses affidés et autres suppôts, et en lui intimant même l’ordre de les livrer à la vindicte populaire et à la justice, ils se rendent bien compte que celui-ci n’était pas «l’honnête homme » qu’il prétendait être et qui a rallié à sa sulfureuse cause tout le monde entier. Le Rdr dont il est encore le chef malgré les normes constitutionnelles, n’est-il pas arrivé au pouvoir dans « le feu, la flamme et la boue » comme l’a révélé sans se tromper l’un de ses suppôts trop bavard et beaucoup orgueilleux? Toutes ces organisations qui s’agitent aujourd’hui pour retrouver une certaine crédibilité concernant la situation qui prévaut en Côte d’Ivoire sont-elles capables d’aller jusqu’au bout de leur « sincérité »  et de leur soi-disant engagement pour la justice dans le monde et en faveur des plus pauvres et des victimes de notre guerre de pauvres? On ne peut pas le cacher, Ouattara agit ainsi d’abord parce qu’il se croit saint et pur de tout péché, ensuite parce qu’il est toujours rassuré et convaincu du soutien aveugle et inconditionnel de la Sulfureuse, donc intouchable et indéboulonnable et enfin parce qu’il posséderait une fortune immense qui peut faire taire éternellement tous ses détracteurs nationaux et internationaux qui se remuent aujourd’hui contre toute entente. Au nom de tout cela, tout lui est permis : il peut protéger ses criminels et même les promouvoir, aussi analphabètes qu’ils fussent, dans la haute administration ivoirienne sans émouvoir ceux auprès de qui il va tendre chaque jour sa gamelle pour recevoir des miettes. Si notre pays se trouve dans cette léthargie incompressible aujourd’hui, c’est bien parce que des individus au pouvoir qui ne connaissent que le langage des armes et de l’argent et qui ont forgé leurs âmes dans le sang, s’en sont accaparée sous des « bombes démocratiques » larguées par Sarkozy et sa clique licornienne et onusienne. La meilleure façon d’intimider Ouattara, c’est de le convaincre de se reconnaître criminel et donc coupable des exactions qui secouent ce pays depuis son entrée fracassante en Côte d’Ivoire et dans la politique de ce pays. Il les a toujours niées par pure lâcheté même quand le criminel protégé Koné Zacharia a le courage de le désigner publiquement comme le père de la rébellion ivoirienne qui a fait tant de torts et de morts. La réconciliation qui semble tant intéresser et emballer les bailleurs de fonds ne peut qu’être une étape et non la finalité. Quand celle-ci se fait entre vainqueurs et contre les vaincus, elle ne peut que susciter d’autres criminels potentiels. En la posant comme une obligation sans vraiment lui donner les moyens de sa pleine réalisation, elle devient un chiffon rouge pour indexer les opposants qui refusent de s’y reconnaître et de les identifier comme de dangereuses personnes qui « portent atteinte à la sûreté de l’Etat ». Comme l’on soutient mordicus que notre réconciliation doit se faire obligatoirement dans la justice, on ne peut pas fermer les yeux sur les crimes de Ouattara et de sa bande armée de criminels qui pavoisent aujourd’hui au sommet de l’Etat et dans tout le monde entier pour protéger leurs butins de guerre. De plus, en les désignant comme des « sauveurs », Ouattara ouvre la boîte de pandore et autorise  ainsi tout Ivoirien capable de s’exprimer par les armes de le faire pour revendiquer ses droits. On ne le dira jamais assez, notre pays est devenu lamentable. Il ne promeut aujourd’hui aucune vertu et éthique capable de porter l’espérance de la génération future. Des criminels l’ont pris en otage et le brade à tout venant contre espèce sonnante et trébuchante. S’il existe encore des Ivoiriens capables de revendiquer leur droit et honneur violés et violentés, c’est le moment de le faire sinon, la clique criminelle au pouvoir ne nous fera que faire découvrir le fait accompli. Tout mon soutien à tous ses enseignants qui affrontent aujourd’hui le feu de la lutte pour revendiquer leur dignité bafouée par un pouvoir exercé par des gens dont la plus part n’ont pas « fait les bancs ». Je leur consacrerai la rubrique de samedi prochain.

     

     

     





     

     

    11 avril 2011-11 avril 2013: une saison d'anomie

    11/04/2013 23:21



    11 avril 2011-11 avril 2013 : une saison d’anomie[1]

     

    1. Le chaos

         Qu’est-ce que l’anomie ? L’anomie, c’est l’anarchie, le chaos où un Etat devenu volontairement fou peut entrainer au suicide collectif, une société, une nation et tout un peuple. Selon Larousse (différent du Kandiarousse !), l’anomie est l’état de désorganisation, de déstructuration d’un groupe, d’une société, dû à la disparition partielle ou totale des normes et des valeurs communes à ses membres.

          Il y a deux ans, jour pour jour, que la Côte d’Ivoire, naguère « havre de paix » a sombré dans son anomie à elle, son chaos, sa déstructuration. Tout a commencé par des « bombes démocratiques » qui ont pilonné toute l’étendue du pays durant plusieurs jours. Témoin oculaire, j’ai vu les avions de guerre de l’onuci bombarder nuitamment les camps militaires de Daloa pour y massacrer les « miliciens pro-Gbagbo ». Mon âme était dans la peine et la douleur m’étreignait à ce moment-là. Acteurs principaux de ce drame collectif sans nom et indigne: Alassane Dramane Ouattara, ses complices et hommes-liges  Soro Guillaume, Nicolas Sarkozy et son Union Européenne que sert sans retenu l’ONU. Tout a commencé donc par le chaos et l’évocation de ces tristes noms ne nous ramène qu’à ce triste enfer que nous avons vécu dramatiquement sur terre sous la conduite de Paris. Le but de tout ce chahut organisé en haut lieu était d’enlever du pouvoir Laurent Gbagbo, cet individu, ce digne fils de l’Afrique qui n’a jamais voulu se courber devant la Françafrique et la franc-maçonnerie barbares. Le 11 avril 2011 sonnera désormais pour chacun des Ivoiriens épris de libération et de liberté comme le jour où commença la « grande nuit », ce chaos abasourdissant, ce désordre indescriptible, ce non-droit, cette misère et cette galère chroniques et  télécommandées. Le traumatisme causé par tous ces morts qui crient leur vengeance chaque jour ne s’effacera plus jamais de la mémoire d’un peuple volontairement martyrisé pour des questions de pouvoir, d’avoir et de préséance. Le constat est clair et net depuis deux ans : le pays va mal dans sa nouvelle posture visible à l’œil nu et de loin malgré l’opération de charme dont nous sommes accablés chaque jour. Les fondements réels de ce qui constitue un Etat moderne et civilisé sont gravement en déliquescence avancée. La léthargie est profonde et douloureuse. La démocratie arrachée de haute lutte par les esprits libres est pris en otage par des guérilleros et la promotion des frères du clan est érigée en règle d’or de gouvernement. Le musèlement de la presse, la répression barbare des opposants, la torture dans les camps de concentration éparpillés dans tout le pays, le réflexe identitaire, ethnique et clanique sont le programme de gouvernement qui nous est royalement servi aujourd’hui sans scrupule. La pauvreté gangrène la population embastillée et endoctrinée à qui on sert de la communication et du charme tous azimuts pour l’endormir. On nous dit sans vergogne et comme à des idiots que l’argent ne circule pas parce qu’il travaille. Pendant ce temps les scandales financiers sont quotidiens dans le lot de ceux qui pillent le pays et regroupés au sein d’un gouvernement de vainqueurs et particulièrement clanique et ethnique.  Ce triste décor est bien dépeint, comme une prophétie, par le savant Wole Soyinka dont le roman Une saison d’anomie inspire le titre de notre présente réflexion : « Les hommes devaient s’attendre à être expulsés de leur maison, à devoir payer des impôts répressifs, à perdre leur emploi et même à être emprisonnés de manière arbitraire et accusés faussement ».[2] Ou encore : « Les escouades de meurtriers qui circulaient en toute liberté, l’armée tout aussi sanguinaire et incontrôlable, ou la police qui dans l’ensemble avait de bonnes intentions mais qui était terrorisée par les deux autres » (p.311). Les récentes révélations d’Amnesty international démontrent l’ampleur du drame ivoire que les complices d’un pouvoir du chaos tentent par tous les moyens et maladroitement d’étouffer et de camoufler pour protéger leurs butins de guerre. Amnesty international a raison : la justice et la loi des vainqueurs règnent dans le pays dirigé par un chef d’Etat planétaire qui passe plus de temps à l’étranger que chez lui.

     

    1. Ce que France veut Afrique veut : le cas de la Côte d’Ivoire[3]

         La France, qui n’avait jusque-là gagné aucune guerre qui la concernait directement, a pris sa revanche sur la Côte d’Ivoire indocile incarnée par Laurent Gbagbo, symbole encore vivant et intelligent d’une génération insoumise à la dictature occidentale et impérialiste dont elle veut s’en défaire. « Liberté ! Il faut de la liberté en Afrique. Et comment en serait-il autrement ? La question sur la liberté de l’Afrique préoccupe une toute petite poignée d’intellectuels africains qu’on peut facilement compter du bout des doigts. Quant à la majorité des Africains, à peine finissent-ils de dire « nous sommes indépendants » qu’ils entendent l’écho de leur propre voix soutenir le contraire. Et l’on se surprend à répéter avec eux que « oui, nous demeurons assurément assujettis ». Tout ce monde a un maître insolite et secret : la France ».[4]

         La France, ce « maître insolite et secret » qui refuse de décoloniser l’Afrique et de se décoloniser elle-même est au début et à la fin de toutes nos crises. Depuis le 11 avril 2011, après avoir bombé la poitrine devant le pauvre Gbagbo, elle s’est définitivement imposée à ceux qu’elle a aidés à s’imposer aux Ivoiriens à travers ses armes et ses « bombes démocratiques ». La France par-ci, la France par-là. Elle veut coûte que coûte rattraper ce grand retard accusé dans le pillage systématique de nos richesses à cause de l’inénarrable et de l’intransigeant Laurent Gbagbo. Pour cela, elle s’est accaparée sans partage et sans vergogne tous les gros marchés et n’est pas prête à faire la passe à personne d’autre. « Durant près de dix années la Côte d’Ivoire va vivre dans l’incertitude avec des gouvernements successifs de partis politiques sur fond d’arnaques perpétuelles et de pillage des richesses naturelles par une rébellion armée qui occupe une moitié du pays sous le regard amusé et complice de la France avec sa force Licorne et la force onusienne. En tout cas, depuis le 11 avril 2011, les Ivoiriens ont compris, ceux en tout cas qui ne voulaient pas voir la réalité en face, que la France est effectivement le maître à penser de toutes ces violences et souffrances mais aussi des inquiétudes dont ils sont victimes depuis 1999 et même un peu avant. M. Laurent Gbagbo a voulu épargner à son peuple et à son pays toutes ces violences inutiles, mais en vain ».[5]  Il n’y a donc pas de doute, la France considérera pour longtemps encore la Côte d’Ivoire comme son éternel quartier général, sa vache à lait, sa chasse gardée et son pré-carré qu’elle soumet à sa guise et en coupe réglée. Ce que la France veut, l’Afrique et la Côte d’Ivoire le voudront toujours et forcément, même par la cruauté. Cette méthode est la règle d’or de la Françafrique et de la franc-maçonnerie dont le théorème de base est « s’aligner, se soumettre ou périr ».

     

     

    1. Cruelle Côte d’Ivoire. L’éléphant et le « machin »[6]

         Voici donc deux ans que la Côte d’Ivoire vivote au lieu de vivre dans un état d’urgence si bien qu’elle a besoin d’un « programme présidentiel d’urgence » pour sortir de sa galère ; cruelle Côte d’Ivoire, pourtant promise à un bel avenir dès le départ. L’éléphant mord piteusement à la poussière sous le regard complice de ses maîtres qui n’ont pas encore fini de le sucer. Le « machin », coiffé de son casque bleu est impuissant devant la vague impétueuse d’un coq et d’une licorne vêtus en bleu blanc rouge. Depuis deux ans, le destin de notre pays est aux couleurs hexagonales, soit à droit, soit à gauche, toujours et davantage en leur faveur, jamais en la nôtre. « La légitimation des milices privées qui ont rançonné le tiers Nord et Ouest du pays pendant plus de dix ans, a conduit à l’incendie et au pillage non seulement de milliers de demeures privées et d’établissements commerciaux, mais de la plupart des lieux de pouvoir dans Abidjan. Encore le 22 avril (2011), des miliciens ont tenté de voler une voiture 4x4 ; ne sachant pas conduire une voiture à boîte automatique, ils l’ont abandonnée après l’avoir saccagée ; le 24 avril, ils ont « visité » une villa de Riviéra III au mépris de l’article 4 de la constitution. On ne saura probablement jamais quels ont été les auteurs de ces actes, ni quels étaient leur mobiles : terre brûlée, destruction des moyens dont a usé l’usurpateur ? Certains soirs de la fin d’avril 2011, les pharmacies et autres magasins fermaient à 17heures par crainte de pillage…la réputation des com-zones reste tenace ».[7]

       Deux années pleines de cruauté et de machin savamment soutenus par la nébuleuse qui ne sait que réciter les leçons des parrains occidentaux et de faire la guerre aux pauvres. Pendant ce temps nous autres, les vaincus de la guerre de la France contre la Côte d’Ivoire, continuons de subir la dictature sanglante de nos bourreaux encagoulés ou à visage découvert. Devenus pour la plupart les pontes impitoyables et insatiables de ce pays et de son système criminalisé, ils nous narguent chaque jour armes aux poings. Ils ne connaissent que le langage des muscles et des armes. Notre humiliation est davantage grande quand on pense que ce pays et sa sécurité sont aux mains d’ignares ne sachant ni lire ni écrire. Nous avons bâti nos universités pour former les chômeurs. La loi de l’anomie dans notre pays, c’est qu’il faut des armes pour se faire une place au soleil. Les études universitaires et leurs diplômes sont justes bons pour les rêveurs et les illuminés de notre « civilisation ».

    1. Côte d’Ivoire : le crépuscule d’une démocratie orpheline[8]

         Disons-le tout net, les « bombes démocratiques » larguées sur les démocrates ivoiriens ont donné une allure de symphonie inachevée à notre idéal commun de démocratie dont nous étions fièrement et jalousement accrochés. Pour nous c’était la démocratie ou rien, la force des idées et des arguments ou rien. Nous étions convaincus que nous étions dans notre bon droit au nom de la démocratie universelle telle qu’elle nous a été enseignée par les occidentaux eux-mêmes dans leurs universités ou les nôtres. Depuis le 11 avril 2011, nos convictions ont été vaincues par les armes et la barbarie. A dire vrai, nous ne croyions pas à la force des armes mais aujourd’hui, nous devrions revisiter nos convictions et certitudes car elles ont été véritablement ébranlées par la terreur et la stupeur. Nous sommes encore sous l’emprise du choc dont la douleur se donne du temps pour se cicatriser. Existe-il une démocratie des bombes et une autre des idées et des arguments ? « Quel Ivoirien n’a pas rêvé sortir de la crise par des élections justes et transparentes ? Nous espérions fortement voir triompher à travers elles notre commune volonté de paix par les urnes. Nous nous sommes acharnés à croire qu’aucun sacrifice ne devrait être ménagé pour faire l’économie de la guerre. Pendant huit années, nous nous sommes privés au quotidien de notre minimum vital, hypothéquant parfois l’avenir de nos enfants et remettant à plus tard nos rêves. Pendant huit ans, nous avons suspendu nos projets en attendant cette échéance électorale. Nous espérions tant pousser un grand ouf de soulagement à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel. Nous nous projetions déjà dans nos maquis, buvant et dansant joyeusement pour fêter la victoire de la démocratie ivoirienne. Hélas cette joie-là ne sera pas au rendez-vous, une taupe attendait, tapie dans l’ombre de cette euphorie ambiante, pour voler, au temps marqué, la joie du peuple innocent. Sale temps pour les démocrates ivoiriens pour cette symphonie inachevée ».[9] N’empêche, il nous faut continuer de croire aux valeurs existentielles qui fondent l’homme et l’éloignent de la bestialité. On peut perdre ses convictions pour un temps. Mais sous la pression des réalités et de leurs événements, il nous faut revenir à notre être profond, celui-là même qui nous différentie de ceux qui croient aux « vertus » des armes. Retrouvons notre symphonie subversive, celle qui nous a fait braver les chars de la Licorne devant l’hôtel ivoire aux heures chaudes de la rébellion armée d’Alassane Dramane Ouattara. Croyons en la démocratie et non aux armes.

    1. Face à l’anomie, créer et ouvrir de nouvelles perspectives

    La guerre est-elle finie en Côte d’Ivoire ? Même les « vainqueurs » n’ont pas de réponses à cette questions pourtant existentielle pour l’avenir de notre pays. Mais, la guerre peut-elle vraiment finir en Côte d’Ivoire ? La configuration politique actuelle ne laisse pas présager d’un bel avenir. Le pays est pris en otage par un clan qui impose son chaos et sa dictature depuis deux ans au reste de la population. Les frères du Nord qui n’arrivent pas encore à se défaire du tribalisme et de l’arrogance du pouvoir dans lesquels on les a embobinés narguent les autres peuples. Ils disent et chantent que c’est leur tour et qu’ils doivent faire boire aux autres qui les maltraitaient, le calice jusqu’à la lie. L’armée, la fonction publique, les structures de l’Etat sont rattrapées et tribalisées. On s’accroche au chef-frère pour manger avec lui pendant qu’il est encore temps. Depuis deux ans, l’horizon s’assombrit. Ceux qui refusent de s’aligner sur la nouvelle orthodoxie politique et le nouveau credo social qu’on leur impose par la violence sont estampillés « pro-Gbagbo », poursuivis, traqués, matraqués et emprisonnés, torturés à mort par une armée de vauriens et de tueurs à gage. La réconciliation se fait entre vainqueurs d’une guerre qu’ils n’ont pas eux-mêmes livrée. On se réconcilie pour avoir le temps de voler, piller et tuer davantage et accroitre son butin de guerre. Cependant, malgré le chaos, nous ne devons pas nous soumettre ou nous démettre ou plus grave démissionner en abandonnant nos convictions de toujours qui ne nous trompent pas. Malgré tout, nous ne devons pas « perdre le nord »[10] « Chacun voit et se voit avec des yeux qui ne sont jamais neutres. Ils se trouvent influencés par le passé, une histoire de douleur ou objet de nostalgie, un présent plein de défis multiformes et un futur rempli d’aspirations diverses».[11] Il nous faut donc sortir de notre chaos suicidaire pour scruter davantage l’horizon noircit par notre bestialité. Le chaos n’est jamais éternel. Ceux qui chez nous ont pris la démocratie en otage en nous bombardant depuis deux ans doivent obligatoirement comprendre qu’aucune dictature, aussi violente et furieuse fût-elle, n’est éternelle. Selon le sage d’Israël, il y a un temps pour tout. Le nôtre sera de donner une âme à notre pays déstructuré, laminé et pillé. La réconciliation ne doit pas être une priorité si elle doit servir à l’anomie, à des causes obscures et mafieuses. Ouvrons donc de nouvelles perspectives, celles qui doivent impérativement porter nos espoirs et nos ambitions légitimes après ces deux ans de misères et de galères rapprochées scientifiquement planifiées et imposées, marque déposée de ceux qui règnent sur Abidjan.

     

     

     

     


    [1] J’emprunte ce titre du célèbre roman de Wole Sonyinka, Une saison d’anomie, Paris, Belfond, 1973,386p.

    [2] Ibid. p.109.

    [3] Ceci est le titre de l’excellent ouvrage de Calixte Baniafouna, docteur en informatique, membre de Transparence Internationale France, analyste politique et économique. Cet ouvrage est paru aux éditions L’Harmattan en décembre 2011.

    [4] Baniafouna Calixte, Ce que France veut France veut : Le cas de la Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan, 2011, p.9.

    [5] Gnangui Adolphe, Côte d’Ivoire : 11 avril 2011. Le coup d’Etat de trop de la France en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, p.69.

    [6] Cf. Le Toubabou, Cruelle C^te d’Ivoire. L’éléphant contre le « machin », Paris, L’Harmattan, 2011, 148p.

    [7] Ibid., pp76-77.

    [8] GBALLOU Roger, Côte d’Ivoire : le crépuscule d’une démocratie orpheline, Paris, L’Harmattan, 2011, 272p.

    [9] Ibid., p.263.

    [10] Séry Bailly, Ne pas perdre le nord, Abidjan, Educi, Coll. Mémoires et documents, 2005, 194p.

    [11] Ibid.

     





     

     

    11 avril 2011-11 avril 2013: une saison d'anomie

    11/04/2013 23:21



    11 avril 2011-11 avril 2013 : une saison d’anomie[1]

     

    1. Le chaos

         Qu’est-ce que l’anomie ? L’anomie, c’est l’anarchie, le chaos où un Etat devenu volontairement fou peut entrainer au suicide collectif, une société, une nation et tout un peuple. Selon Larousse (différent du Kandiarousse !), l’anomie est l’état de désorganisation, de déstructuration d’un groupe, d’une société, dû à la disparition partielle ou totale des normes et des valeurs communes à ses membres.

          Il y a deux ans, jour pour jour, que la Côte d’Ivoire, naguère « havre de paix » a sombré dans son anomie à elle, son chaos, sa déstructuration. Tout a commencé par des « bombes démocratiques » qui ont pilonné toute l’étendue du pays durant plusieurs jours. Témoin oculaire, j’ai vu les avions de guerre de l’onuci bombarder nuitamment les camps militaires de Daloa pour y massacrer les « miliciens pro-Gbagbo ». Mon âme était dans la peine et la douleur m’étreignait à ce moment-là. Acteurs principaux de ce drame collectif sans nom et indigne: Alassane Dramane Ouattara, ses complices et hommes-liges  Soro Guillaume, Nicolas Sarkozy et son Union Européenne que sert sans retenu l’ONU. Tout a commencé donc par le chaos et l’évocation de ces tristes noms ne nous ramène qu’à ce triste enfer que nous avons vécu dramatiquement sur terre sous la conduite de Paris. Le but de tout ce chahut organisé en haut lieu était d’enlever du pouvoir Laurent Gbagbo, cet individu, ce digne fils de l’Afrique qui n’a jamais voulu se courber devant la Françafrique et la franc-maçonnerie barbares. Le 11 avril 2011 sonnera désormais pour chacun des Ivoiriens épris de libération et de liberté comme le jour où commença la « grande nuit », ce chaos abasourdissant, ce désordre indescriptible, ce non-droit, cette misère et cette galère chroniques et  télécommandées. Le traumatisme causé par tous ces morts qui crient leur vengeance chaque jour ne s’effacera plus jamais de la mémoire d’un peuple volontairement martyrisé pour des questions de pouvoir, d’avoir et de préséance. Le constat est clair et net depuis deux ans : le pays va mal dans sa nouvelle posture visible à l’œil nu et de loin malgré l’opération de charme dont nous sommes accablés chaque jour. Les fondements réels de ce qui constitue un Etat moderne et civilisé sont gravement en déliquescence avancée. La léthargie est profonde et douloureuse. La démocratie arrachée de haute lutte par les esprits libres est pris en otage par des guérilleros et la promotion des frères du clan est érigée en règle d’or de gouvernement. Le musèlement de la presse, la répression barbare des opposants, la torture dans les camps de concentration éparpillés dans tout le pays, le réflexe identitaire, ethnique et clanique sont le programme de gouvernement qui nous est royalement servi aujourd’hui sans scrupule. La pauvreté gangrène la population embastillée et endoctrinée à qui on sert de la communication et du charme tous azimuts pour l’endormir. On nous dit sans vergogne et comme à des idiots que l’argent ne circule pas parce qu’il travaille. Pendant ce temps les scandales financiers sont quotidiens dans le lot de ceux qui pillent le pays et regroupés au sein d’un gouvernement de vainqueurs et particulièrement clanique et ethnique.  Ce triste décor est bien dépeint, comme une prophétie, par le savant Wole Soyinka dont le roman Une saison d’anomie inspire le titre de notre présente réflexion : « Les hommes devaient s’attendre à être expulsés de leur maison, à devoir payer des impôts répressifs, à perdre leur emploi et même à être emprisonnés de manière arbitraire et accusés faussement ».[2] Ou encore : « Les escouades de meurtriers qui circulaient en toute liberté, l’armée tout aussi sanguinaire et incontrôlable, ou la police qui dans l’ensemble avait de bonnes intentions mais qui était terrorisée par les deux autres » (p.311). Les récentes révélations d’Amnesty international démontrent l’ampleur du drame ivoire que les complices d’un pouvoir du chaos tentent par tous les moyens et maladroitement d’étouffer et de camoufler pour protéger leurs butins de guerre. Amnesty international a raison : la justice et la loi des vainqueurs règnent dans le pays dirigé par un chef d’Etat planétaire qui passe plus de temps à l’étranger que chez lui.

     

    1. Ce que France veut Afrique veut : le cas de la Côte d’Ivoire[3]

         La France, qui n’avait jusque-là gagné aucune guerre qui la concernait directement, a pris sa revanche sur la Côte d’Ivoire indocile incarnée par Laurent Gbagbo, symbole encore vivant et intelligent d’une génération insoumise à la dictature occidentale et impérialiste dont elle veut s’en défaire. « Liberté ! Il faut de la liberté en Afrique. Et comment en serait-il autrement ? La question sur la liberté de l’Afrique préoccupe une toute petite poignée d’intellectuels africains qu’on peut facilement compter du bout des doigts. Quant à la majorité des Africains, à peine finissent-ils de dire « nous sommes indépendants » qu’ils entendent l’écho de leur propre voix soutenir le contraire. Et l’on se surprend à répéter avec eux que « oui, nous demeurons assurément assujettis ». Tout ce monde a un maître insolite et secret : la France ».[4]

         La France, ce « maître insolite et secret » qui refuse de décoloniser l’Afrique et de se décoloniser elle-même est au début et à la fin de toutes nos crises. Depuis le 11 avril 2011, après avoir bombé la poitrine devant le pauvre Gbagbo, elle s’est définitivement imposée à ceux qu’elle a aidés à s’imposer aux Ivoiriens à travers ses armes et ses « bombes démocratiques ». La France par-ci, la France par-là. Elle veut coûte que coûte rattraper ce grand retard accusé dans le pillage systématique de nos richesses à cause de l’inénarrable et de l’intransigeant Laurent Gbagbo. Pour cela, elle s’est accaparée sans partage et sans vergogne tous les gros marchés et n’est pas prête à faire la passe à personne d’autre. « Durant près de dix années la Côte d’Ivoire va vivre dans l’incertitude avec des gouvernements successifs de partis politiques sur fond d’arnaques perpétuelles et de pillage des richesses naturelles par une rébellion armée qui occupe une moitié du pays sous le regard amusé et complice de la France avec sa force Licorne et la force onusienne. En tout cas, depuis le 11 avril 2011, les Ivoiriens ont compris, ceux en tout cas qui ne voulaient pas voir la réalité en face, que la France est effectivement le maître à penser de toutes ces violences et souffrances mais aussi des inquiétudes dont ils sont victimes depuis 1999 et même un peu avant. M. Laurent Gbagbo a voulu épargner à son peuple et à son pays toutes ces violences inutiles, mais en vain ».[5]  Il n’y a donc pas de doute, la France considérera pour longtemps encore la Côte d’Ivoire comme son éternel quartier général, sa vache à lait, sa chasse gardée et son pré-carré qu’elle soumet à sa guise et en coupe réglée. Ce que la France veut, l’Afrique et la Côte d’Ivoire le voudront toujours et forcément, même par la cruauté. Cette méthode est la règle d’or de la Françafrique et de la franc-maçonnerie dont le théorème de base est « s’aligner, se soumettre ou périr ».

     

     

    1. Cruelle Côte d’Ivoire. L’éléphant et le « machin »[6]

         Voici donc deux ans que la Côte d’Ivoire vivote au lieu de vivre dans un état d’urgence si bien qu’elle a besoin d’un « programme présidentiel d’urgence » pour sortir de sa galère ; cruelle Côte d’Ivoire, pourtant promise à un bel avenir dès le départ. L’éléphant mord piteusement à la poussière sous le regard complice de ses maîtres qui n’ont pas encore fini de le sucer. Le « machin », coiffé de son casque bleu est impuissant devant la vague impétueuse d’un coq et d’une licorne vêtus en bleu blanc rouge. Depuis deux ans, le destin de notre pays est aux couleurs hexagonales, soit à droit, soit à gauche, toujours et davantage en leur faveur, jamais en la nôtre. « La légitimation des milices privées qui ont rançonné le tiers Nord et Ouest du pays pendant plus de dix ans, a conduit à l’incendie et au pillage non seulement de milliers de demeures privées et d’établissements commerciaux, mais de la plupart des lieux de pouvoir dans Abidjan. Encore le 22 avril (2011), des miliciens ont tenté de voler une voiture 4x4 ; ne sachant pas conduire une voiture à boîte automatique, ils l’ont abandonnée après l’avoir saccagée ; le 24 avril, ils ont « visité » une villa de Riviéra III au mépris de l’article 4 de la constitution. On ne saura probablement jamais quels ont été les auteurs de ces actes, ni quels étaient leur mobiles : terre brûlée, destruction des moyens dont a usé l’usurpateur ? Certains soirs de la fin d’avril 2011, les pharmacies et autres magasins fermaient à 17heures par crainte de pillage…la réputation des com-zones reste tenace ».[7]

       Deux années pleines de cruauté et de machin savamment soutenus par la nébuleuse qui ne sait que réciter les leçons des parrains occidentaux et de faire la guerre aux pauvres. Pendant ce temps nous autres, les vaincus de la guerre de la France contre la Côte d’Ivoire, continuons de subir la dictature sanglante de nos bourreaux encagoulés ou à visage découvert. Devenus pour la plupart les pontes impitoyables et insatiables de ce pays et de son système criminalisé, ils nous narguent chaque jour armes aux poings. Ils ne connaissent que le langage des muscles et des armes. Notre humiliation est davantage grande quand on pense que ce pays et sa sécurité sont aux mains d’ignares ne sachant ni lire ni écrire. Nous avons bâti nos universités pour former les chômeurs. La loi de l’anomie dans notre pays, c’est qu’il faut des armes pour se faire une place au soleil. Les études universitaires et leurs diplômes sont justes bons pour les rêveurs et les illuminés de notre « civilisation ».

    1. Côte d’Ivoire : le crépuscule d’une démocratie orpheline[8]

         Disons-le tout net, les « bombes démocratiques » larguées sur les démocrates ivoiriens ont donné une allure de symphonie inachevée à notre idéal commun de démocratie dont nous étions fièrement et jalousement accrochés. Pour nous c’était la démocratie ou rien, la force des idées et des arguments ou rien. Nous étions convaincus que nous étions dans notre bon droit au nom de la démocratie universelle telle qu’elle nous a été enseignée par les occidentaux eux-mêmes dans leurs universités ou les nôtres. Depuis le 11 avril 2011, nos convictions ont été vaincues par les armes et la barbarie. A dire vrai, nous ne croyions pas à la force des armes mais aujourd’hui, nous devrions revisiter nos convictions et certitudes car elles ont été véritablement ébranlées par la terreur et la stupeur. Nous sommes encore sous l’emprise du choc dont la douleur se donne du temps pour se cicatriser. Existe-il une démocratie des bombes et une autre des idées et des arguments ? « Quel Ivoirien n’a pas rêvé sortir de la crise par des élections justes et transparentes ? Nous espérions fortement voir triompher à travers elles notre commune volonté de paix par les urnes. Nous nous sommes acharnés à croire qu’aucun sacrifice ne devrait être ménagé pour faire l’économie de la guerre. Pendant huit années, nous nous sommes privés au quotidien de notre minimum vital, hypothéquant parfois l’avenir de nos enfants et remettant à plus tard nos rêves. Pendant huit ans, nous avons suspendu nos projets en attendant cette échéance électorale. Nous espérions tant pousser un grand ouf de soulagement à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel. Nous nous projetions déjà dans nos maquis, buvant et dansant joyeusement pour fêter la victoire de la démocratie ivoirienne. Hélas cette joie-là ne sera pas au rendez-vous, une taupe attendait, tapie dans l’ombre de cette euphorie ambiante, pour voler, au temps marqué, la joie du peuple innocent. Sale temps pour les démocrates ivoiriens pour cette symphonie inachevée ».[9] N’empêche, il nous faut continuer de croire aux valeurs existentielles qui fondent l’homme et l’éloignent de la bestialité. On peut perdre ses convictions pour un temps. Mais sous la pression des réalités et de leurs événements, il nous faut revenir à notre être profond, celui-là même qui nous différentie de ceux qui croient aux « vertus » des armes. Retrouvons notre symphonie subversive, celle qui nous a fait braver les chars de la Licorne devant l’hôtel ivoire aux heures chaudes de la rébellion armée d’Alassane Dramane Ouattara. Croyons en la démocratie et non aux armes.

    1. Face à l’anomie, créer et ouvrir de nouvelles perspectives

    La guerre est-elle finie en Côte d’Ivoire ? Même les « vainqueurs » n’ont pas de réponses à cette questions pourtant existentielle pour l’avenir de notre pays. Mais, la guerre peut-elle vraiment finir en Côte d’Ivoire ? La configuration politique actuelle ne laisse pas présager d’un bel avenir. Le pays est pris en otage par un clan qui impose son chaos et sa dictature depuis deux ans au reste de la population. Les frères du Nord qui n’arrivent pas encore à se défaire du tribalisme et de l’arrogance du pouvoir dans lesquels on les a embobinés narguent les autres peuples. Ils disent et chantent que c’est leur tour et qu’ils doivent faire boire aux autres qui les maltraitaient, le calice jusqu’à la lie. L’armée, la fonction publique, les structures de l’Etat sont rattrapées et tribalisées. On s’accroche au chef-frère pour manger avec lui pendant qu’il est encore temps. Depuis deux ans, l’horizon s’assombrit. Ceux qui refusent de s’aligner sur la nouvelle orthodoxie politique et le nouveau credo social qu’on leur impose par la violence sont estampillés « pro-Gbagbo », poursuivis, traqués, matraqués et emprisonnés, torturés à mort par une armée de vauriens et de tueurs à gage. La réconciliation se fait entre vainqueurs d’une guerre qu’ils n’ont pas eux-mêmes livrée. On se réconcilie pour avoir le temps de voler, piller et tuer davantage et accroitre son butin de guerre. Cependant, malgré le chaos, nous ne devons pas nous soumettre ou nous démettre ou plus grave démissionner en abandonnant nos convictions de toujours qui ne nous trompent pas. Malgré tout, nous ne devons pas « perdre le nord »[10] « Chacun voit et se voit avec des yeux qui ne sont jamais neutres. Ils se trouvent influencés par le passé, une histoire de douleur ou objet de nostalgie, un présent plein de défis multiformes et un futur rempli d’aspirations diverses».[11] Il nous faut donc sortir de notre chaos suicidaire pour scruter davantage l’horizon noircit par notre bestialité. Le chaos n’est jamais éternel. Ceux qui chez nous ont pris la démocratie en otage en nous bombardant depuis deux ans doivent obligatoirement comprendre qu’aucune dictature, aussi violente et furieuse fût-elle, n’est éternelle. Selon le sage d’Israël, il y a un temps pour tout. Le nôtre sera de donner une âme à notre pays déstructuré, laminé et pillé. La réconciliation ne doit pas être une priorité si elle doit servir à l’anomie, à des causes obscures et mafieuses. Ouvrons donc de nouvelles perspectives, celles qui doivent impérativement porter nos espoirs et nos ambitions légitimes après ces deux ans de misères et de galères rapprochées scientifiquement planifiées et imposées, marque déposée de ceux qui règnent sur Abidjan.

     

     

     

     


    [1] J’emprunte ce titre du célèbre roman de Wole Sonyinka, Une saison d’anomie, Paris, Belfond, 1973,386p.

    [2] Ibid. p.109.

    [3] Ceci est le titre de l’excellent ouvrage de Calixte Baniafouna, docteur en informatique, membre de Transparence Internationale France, analyste politique et économique. Cet ouvrage est paru aux éditions L’Harmattan en décembre 2011.

    [4] Baniafouna Calixte, Ce que France veut France veut : Le cas de la Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan, 2011, p.9.

    [5] Gnangui Adolphe, Côte d’Ivoire : 11 avril 2011. Le coup d’Etat de trop de la France en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, p.69.

    [6] Cf. Le Toubabou, Cruelle C^te d’Ivoire. L’éléphant contre le « machin », Paris, L’Harmattan, 2011, 148p.

    [7] Ibid., pp76-77.

    [8] GBALLOU Roger, Côte d’Ivoire : le crépuscule d’une démocratie orpheline, Paris, L’Harmattan, 2011, 272p.

    [9] Ibid., p.263.

    [10] Séry Bailly, Ne pas perdre le nord, Abidjan, Educi, Coll. Mémoires et documents, 2005, 194p.

    [11] Ibid.

     





     

     

    La croix de Jésus-Christ comme lieu de la libération en Afrique selon Jean-Marc Ela

    05/04/2013 12:46



    La croix de Jésus-Christ comme lieu de la libération en Afrique selon Jean-Marc Ela

         Dans cette partie nous allons examiner tour à tour :

    • Le cri de l’homme africain et la libération de l’Afrique en Jésus-Christ ;
    • Comprendre la croix de Jésus-Christ à partir des pauvres en Afrique ;
    • Changer la situation par la croix de Jésus-Christ ;

     

     

         Jean Marc Ela soutient que dans la mesure où la croix de Jésus exprime la passion des pauvres en Afrique, il nous faut nécessairement assumer les conflits et les luttes par lesquels se crée le Royaume.[1] Comme nous l’avons vu plus haut, la croix est l’un des thèmes centraux de la christologie de Jean-Marc Ela. D’ailleurs, nous avons pu relever qu’il identifie la douleur de l’Afrique et ses souffrances à celles de Jésus-Christ, qu’il appelle « le Crucifié du Golgotha». Cette croix qui était un instrument d’humiliation et de condamnation à mort, le Christ en fait un symbole de la lutte contre toute forme de servitude et de mort dans le monde. 

         Etienne Kaobo allant dans le sens de Jean-Marc Ela soutient que « c’est face à cette Afrique d’en-bas qui révèle au grand jour les pauvres et les systèmes nationaux et internationaux de paupérisation que se présente le projet de libération de Jésus-Christ comme libérateur ».[2] Ce projet de libération n’a aucun sens en dehors de la croix qui est pour Jean-Marc Ela à la fois le lieu de l’amour de Jésus-Christ, le lieu de la douleur et le lieu de la libération des pauvres en Afrique. Il soutient que l’amour de Jésus-Christ pour les pauvres se révèle davantage sur la croix et se répand jusqu’aux profondeurs de la lutte contre le mal et en faveur des déshérités dans un projet de libération dont il est le guide. Il invite à retrouver le drame du Noir à travers la crucifixion en relevant que chaque taudis de nos villes africaines est un véritable calvaire.[3]C’est pourquoi, pour Jean-Marc Ela, désormais, le scandale de la croix ne serait plus l’humiliation et la honte qu’elle renferme, mais son indifférence et son impassibilité vis-à-vis des drames qui tuent les pauvres et du projet de libération qui conduit leurs actions. Ce projet de libération se résume en trois volets essentiels : 1) Le cri de l’homme africain et la libération de l’Afrique en Jésus-Christ ; 2)  Comprendre la croix de Jésus-Christ à partir des pauvres en Afrique ; 3) Changer la situation par la croix de Jésus-Christ.

     

     

     

    • Le cri de l’homme africain et la libération de l’Afrique en Jésus-

                 Christ

     

         Pour Jean-Marc Ela, le cri de l’homme africain est le cri de Jésus qui meurt sur la croix sous la pression des chefs religieux et politiques de Jérusalem : « un grand cri et dans les larmes » selon l’épître aux Hébreux (5, 7). Ce cri résume en lui-même celui de l’humanité en général et en particulier celui de l’Africain ; vu que depuis des siècles notre continent demeure la terre des douleurs où la souffrance, l’oppression et la misère s’identifient parfaitement à l’homme.[4]Ce cri est donc celui des pauvres d’Afrique qui manifestent ainsi leur mécontentement et indignation, même leur révolte face à ce qu’ils subissent de la part des hommes. Malgré la haine qui le suscite, ce cri n’est pourtant pas un cri de vengeance et de haine contre les bourreaux.[5]

         Dans le sens de Jean-Marc Ela, le Symposium des évêques d’Afrique reconnaît et soutient que cet homme africain, selon notre foi, le Christ est venu le sauver et le libérer de son cri de douleur; une libération de tout ce qui opprime l’homme. Pour les Evêques africains, cette libération n’est pas seulement d’ordre spirituel ou intérieur. Elle doit avoir un impact direct sur la vie concrète, individuelle de l’Africain.[6]Selon Jean-Marc Ela, ce cri que pousse quotidiennement l’homme africain « n’est pas exclusivement le cri de la souffrance, c’est aussi un cri d’espérance ».[7]Et cette espérance naît et subsiste de la foi en Jésus-Christ. Dès lors, pour lui, lire l’Evangile de Jésus-Christ dans ce contexte de domination et de mépris, c’est se résoudre à « se situer du côté de ceux qui s’efforcent de rendre à l’homme africain la puissance de l’espoir».[8]Il suggère une relecture de la Bible qui doit conduire à renoncer à dissimuler les contradictions de nos sociétés africaines en ignorant la clameur des «exclus du festin». Ce cri qui devient espérance d’un peuple meurtri est donc le chemin actuel de la libération de l’Afrique en Jésus-Christ. Selon le psalmiste, « un pauvre a crié, Dieu l’écoute et le délivre de ses angoisses » (Ps 34, 18).[9] Notre libération part donc du cri de Jésus-Christ sur la croix et trace ainsi pour nous de nouvelles voies,[10]celles de la « résistance à toute structure d’oppression ».[11] Elle ouvre également de nouvelles perspectives selon Jean-Marc Ela : «Dans toute rencontre où je révèle à un homme sa dignité de fils de Dieu, une société nouvelle commence à naître, celle où le pauvre cesse de croire que sa misère ou sa condition résulte d’une malédiction ou d’une fatalité».[12] De cette façon, le cri de Jésus n’est pas neutre. Il est poussé en faveur des pauvres dont il porte dans sa chair l’épreuve de la souffrance, de la douleur et de l’humiliation.[13]

         En partant donc du cri de l’homme africain, Jean-Marc Ela pose à la conscience de l’Afrique et des Africains, la question inévitable de la solidarité qui pour lui ne doit pas être envisagée uniquement en termes d’aides caritatives à des affamés et à des nécessiteux abandonnés dans nos villages ou à ceux rasant les murs de nos villes. Ce cri de l’homme africain est donc un cri de libération dont le Christ est l’instigateur, un cri de solidarité pour vivre et non pour mourir, pour résister et non pour abdiquer, un cri pour prendre conscience et non pour se réfugier dans la fatalité qui est synonyme de déchéance et de mort. C’est pourquoi, pour Jean-Marc Ela, «tout le problème est là : dire Dieu dans une pratique de la foi où il s’agit de savoir ce que je veux faire de l’homme placé sur mon chemin : un être humain qui a droit à la vie ou bien un esclave à vie»[14]dont les cris de douleur n’émeuvent personne.

         Pour tout dire, à partir du cri de Jésus-Christ sur la croix, Jean-Marc Ela appelle à une nouvelle analyse de la souffrance de l’Africain méprisé et abandonné. Bien évidemment, il nous propose de ce fait une nouvelle clé de compréhension de la croix de Jésus-Christ. Il nous fait remarquer que le cri de Jésus n’est pas poussé dans un temple d’or ou un sanctuaire, mais plutôt dans un endroit banalisé, là où personne n’accorde aucun intérêt à personne, encore moins aux marginalisés et condamnés à mort. C’est pourtant là qu’il entend l’appel et les cris de détresse des malheureux et intervient pour eux. Cela démontre fort bien que le Christ ne se laisse pas enchaîner et encastrer dans des structures humaines, là où l’on tente d’étouffer les cris de misère.

         Ici s’amorce donc une révolution. Elle part hors des structures habituelles. Pour Jean-Marc Ela, l’Eglise ne doit pas s’inscrire dans une logique d’étouffement de la douleur des malheureux. Il fait savoir que l’Eglise n’a de sens chez nous que si elle devient le lieu où se fait entendre le cri de l’homme, du pauvre, du malheureux, à la suite de Jésus-Christ qui rend toujours présents les gestes du Dieu de l’Exode.[15]Il l’invite également à s’interroger sur elle-même, sur ce qu’elle est et fait en Afrique dans la lutte auprès de ceux qui apprennent à survivre à travers la lutte.[16] Derrière cette idée, il y a inévitablement une invitation pressante à comprendre autrement la croix de Jésus-Christ.

     

    Prochainement : Comprendre la croix de Jésus-Christ à partir des pauvres en Afrique ; - Changer la situation à partir de la croix de Jésus-Christ

     


    [1] Cf. Jean-Marc, ELA, Ma foi d’Africain, p.168.

    [2] Etienne, KAOBO, S., Op. cit., 180.

    [3] Cf. Jean-Marc, ELA, Ma foi d’Africain, p.193.

    [4] Cf. Yao, ASSOGBA, Op. cit., p.76.

    [5] Cf. Jean-Louis, SOULETIE, La croix de Dieu. Eschatologie et histoire dans la perspective christologique de Moltmann, Paris, Cerf, Coll. « Cogitatio fidei » n° 201, 1997, 409p.

    [6] Cf. Jean-Marc ELA et René LUNEAU, Op.cit., p.205.

    [7] Ibid., p.76.

    [8] Jean-Marc, ELA, Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique,  p.165.

    [9] Selon l’adage, le cri du pauvre monte jusqu'à Dieu mais il n'arrive pas à l'oreille de l'homme.

    [10] Pour Bernard Olivier, le salut par Jésus-Christ ne s’est pas déclenché sur la croix : il est à l’œuvre dans toute sa vie et dans ses gestes quotidiens. Le Christ est sauveur non par telle action unique. Il l’est par tout ce qu’il est et par tout ce qu’il fait ; Cf. Bernard, OLIVIER, Développement ou libération. Pour une théologie qui prend parti, Bruxelles, Vie ouvrière, 1973, p.51.

    [11] Jean-Marc, ELA, Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique,  p.165.

    [12] Ibid., pp.165-166.

    [13] Jean-Marc ELA nous invite à étudier le thème du cri des malheureux et des opprimés qui parcourt la Bible depuis le meurtre d’Abel par son frère (Gn4, 10). Nous pouvons voir notamment comment Dieu devient sensible à la misère de son peuple réduit en esclavage en Egypte (Ex3, 7-9). De même dans les psaumes, le thème du cri est abordé pour exprimer la persécution et l’oppression (Ps 5, 2-3 ; 9, 13 ; 16, 6). De leur côté, les prophètes font entendre les cris des malheureux (Is 5, 7). Dans sa lettre, st Jacques fait savoir que le salaire qu’on n’a pas donné aux ouvriers crie vers Dieu (Jc5, 4). Saint Jean dans l’Apocalypse annonce un ciel nouveau et une terre nouvelle où il n’y aura « ni deuil, ni cri, ni souffrance » (Ap21, 4).

    [14] Jean-Marc, ELA, Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique, p.166.

    [15] Cf. ID., Ma foi d’Africain, p.189.

    [16] ID., Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique, p.165.

     





     

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