|
|
|
|
|
Émergence boiteux-boitant
15/03/2014 23:29
Émergence boiteux-boitant
En Côte d'Ivoire, le développement s'est transmué en sous-développement, le sous-développement lui-même a revêtu l'émergence et depuis quelques semaines, l'émergence s'est transformée en canne et cette canne porte, pour notre grand malheur, douloureusement une sciatique. Quelle histoire! Et nous sommes impérativement invités à aller à «l'horizon 2020», c'est-à-dire, selon les prophéties, à notre salut, boiteux-boitant (ou clopin-clopant) avec notre chef sur une canne dont on dit être désormais notre espoir, l'unique, le Deus ex machina capable de porter toute notre misère et toute notre espérance. Une canne en cachant une autre, il n'y a pas longtemps, on nous a aussi dit que nous sommes désormais riches parce que nous étions devenus et mondialement reconnus comme un «pays pauvre très endetté». Pour tout dire, faute de développement, notre pauvreté est devenue notre richesse. Et alors qu'on nous tient de tels discours abracadabrants, il se trouve des applaudimètres pour nous les imposer. Normal! quand un leader politique recrute ses partisans et supporters au milieu des coxers, des dozos, des marmitons et des miliciens, on peut nous dire que nous sommes riches pendant que nous trouvons notre quittance dans les poubelles. On peut aussi nous faire comprendre que le chef se porte bien alors que nous le voyons tous malade. Il faut être de cette catégorie de supporters et militants appointés pour venir accueillir triomphalement son leader qui rentre malade et «encanné» d'un hôpital. Le sous-développement et l'émergence sont aussi une question d'intelligence. Tout se passe dans la tête. On peut faire croire facilement à une tête sous-développée ou émergée (l'émergence n'est pas le développement) que son leader est devenu plus fort qu'il ne l'était auparavant parce qu'il porte désormais une canne, «la canne de l'émergence». Quand on est parvenu à s'imposer par les armes à un pays analphabète à 70%, on ne peut que lui imposer aussi des âneries sous forme de canne. Quand on installe une milice constituée d’ignares sur les universités qui sont normalement de hauts lieux de l'intelligence et du savoir, on ne peut que se moquer des intelligents et des savants. On ne sait jamais; quand on a tout essayé, même par les armes, pour arriver au développement et que malgré tout ce sont le sous-développement et l'émergence qui semblent s'imposer quotidiennement, on peut essayer et expérimenter d'autres voies: celle de la canne magique (ou émergente dans notre cas) qui nous conduira d'abord directement à l'émergence et ensuite, pourquoi pas, comme une flèche, au développement attendu depuis plus de cinquante ans. Avec sa canne, la canne du chef, Moïse n'a-t-il pas sauvé Israël de l'esclavage, c'est-à-dire de la pauvreté et de la misère? Ne soyons donc pas surpris qu'un jour tout le peuple de Côte d'Ivoire soit convoqué, comme au temps de Moïse, au bord de l'océan atlantique et que son chef, en tête avec ses supporters et griots, lui apprenne que Dieu ou Allah lui a révélé de frapper l'eau avec sa canne pour que tout se transforme en développement pour lui. Dans la République des dozos et des gris-gris, à quoi ne faut-il pas s'attendre à bon droit? Si, un tant soit peu, nos gouvernants nous prenaient au sérieux, nous aurions soutenu avec eux qu'un être humain, fût-il le plus puissant de la planète, n'est pas un immortel. Donc, il peut avoir des moments de maladies graves ou non. Et en tant qu'humains, dotés de bon sens, nous aurions tous eu de la compassion pour notre chef malade. Et croyants aussi, nos voix se seraient humblement élevées vers le Seigneur sous forme de prières et de supplications pour lui en vue du pardon de ses péchés et de sa guérison. Mais, quand le chef est vu et présenté comme un dieu se portant comme un charme même avec une sciatique et une canne, je veux bien passer mon temps à faire autre chose. Les dieux n'ont pas besoin de la prière des mortels que nous autres sommes. Au contraire, même un dieu sur une canne et torturé par une sciatique, peut toujours porter la misère des humains et des mortels! C'est bien ce qu'on nous offre à voir aujourd'hui.
Ce qui nous manque en Côte d'Ivoire, c'est une réflexion sérieuse sur ce qui nous arrive depuis une vingtaine d'années. Quand la réflexion ne suit pas nos malheurs, nous sommes livrés aux mains d'ignares qui ne comptent que sur la puissance de leurs poches et aujourd'hui sur le bout de leurs canons pour nous attirer vers eux. Nous ne réfléchissons pas assez parce que nous nous sommes laissé prendre en otage par ce clan de féticheurs et de marabouts. Et nos bonnes idées sont noyées dans le bruit de leur argent qu'ils nous donnent pour nous taire et dans le flot impétueux de leurs discours et prophéties tirés de grimoires que nous applaudissons à tout rompre. Et nos écoles et universités sont le reflet grandeur nature de cette sclérose intellectuelle. Nos universitaires, quand ils ne deviennent pas eux-mêmes les thuriféraires et autres apologistes et zélateurs patentés de ces hommes, ils préfèrent vivre comme des escargots pour protéger le peu qui leur tombe de la table de ceux-ci. Semblablement, nous autres «hommes religieux», incapables d'être des prophètes qui annoncent, dénoncent et renoncent, nous sommes enfermés dans un mutisme et piétisme puérils et honteux, trouvant désespérément refuge dans des «veillées de prières» à n'en point finir et d'où nous croyons tirer notre salut et celui de nos ouailles maltraitées et que nous-mêmes surexploitons à coups de «quêtes spéciales». Ainsi, en Côte d'Ivoire, depuis une vingtaine d'années, nous nous laissons manipuler par des hommes sans envergure intellectuelle et même morale qui ont réussi à mettre nos intellectuels et responsables religieux sous leur coupe. Et ce sont eux que nous présentons comme modèles et héros à notre jeunesse. A quoi bon alors aller user ses fesses sur un banc d'école si le fusil et le canon peuvent faire devenir président, premier ministre, ministre, président de l'Assemblée nationale, député ou maire? Malheureusement, ce sont eux qui parrainent nos activités dans les églises, les temples et les mosquées! Ce sont eux qui offrent voitures, villas et comptes bancaires à nos évêques, prêtres, pasteurs et imams qui soutiennent leur dictature. Ainsi va notre pays, incapable de se débarrasser de ses sangsues qui ne l'aiment que parce qu'il contribue à leur gloire et à leur honneur personnels. Seigneur, jusques à quand cela va-t-il durer?
| |
|
|
|
|
|
|
|
profession? "spécialistes de l'Afrique"
09/03/2014 14:19
Profession?: «spécialiste de l'Afrique»
Un autre livre sur l'Afrique! Depuis toujours celle-ci constitue un terrain vierge d'études où tout le monde vient faire ses analyses et tirer ses propres conclusions avec la certitude absolue d'avoir découvert la vérité sur elle, vérités qui souvent n'ont rien de commun avec la réalité, à mille lieues de ce que le continent est en réalité; des analyses bien commandées à la carte pour satisfaire des copains et complices d'ici et d'ailleurs. Les «spécialistes de l'Afrique» ou exégètes des temps modernes abondent de toutes parts. Mais beaucoup ne connaissent l'Afrique qu'à travers les cartes postales reçues de parents ou amis touristes et les images de misères que leur présentent sans cesse leurs médias. Dans la françafrique, il suffit de passer une nuit dans un hôtel cinq étoiles à Abidjan, à Ouagadougou ou à Dakar pour être spécialiste de la Côte d'Ivoire, du Burkina Faso ou du Sénégal! Il suffit aussi de paraître un jour sur une chaîne de télévision occidentale répondant au hasard à une question sur l'Afrique pour recevoir le titre glorieux de «spécialiste de l'Afrique»! Ce sont ces «spécialistes» de notre temps ou comme le désigne un ami mien, «spécialistes d’hôtels et de cartes postales» qui malheureusement parlent de l'Afrique, souvent au nom de l'Afrique, dans tous les livres et sur tous les plateaux de télévisions occidentales. Et pour notre malheur, ce sont leurs exégèses que l'on considère dans les instances internationales qui prétendent gouverner le monde. L'un d'entre eux vient de faire sa rentrée politique avec un autre livre. Il s'agit d'Antoine Glaser. Son livre qui vient à peine de paraître aux éditions Fayard s'intitule:Africafrance. Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu, Paris, Fayard, 2014, 232p. Bien entendu, pour respecter la tradition, la publicité a été bien faite. A travers son nouveau concept de «Africafrance», Antoine Glaser tente désespérément d'inverser l'ordre normal de la Françafrique. Il soutient, par une technique propre aux exégètes sur l'Afrique, que désormais, selon ses propres constats, ce ne sont plus les chefs d’État africains et leurs officines qui font la courbette à la France mais plutôt c'est la France et ses officiels qui viennent faire le pied de grue dans les salles d'attente de nos palais présidentiels («les cases») pour glaner des fortunes. Il se pose alors la question de savoir «Et si l'Afrique avait marabouté la France?» Il évoque par exemple la grande influence qu'aurait eu Ali Bongo sur les gouvernements successifs de l’Élysée durant son long règne. Je ne sais vraiment pas si cet état de fait change quelque chose dans les relations françafricaines. Cela a toujours été ainsi. Il n'y a donc pas d'aspects nouveaux à prendre en compte dans ces relations dont on connaît la nature et les motivations réelles. Qu'elles soient françafricaines ou africafrançaises, celles-ci demeurent les mêmes: intimidations et chantages, enfantillages et agenouillements, pillages, escroqueries et mallettes, dominations et soumissions. De fait, ce qui a toujours prévalu dans le système c'est ce que le sulfureux Foccart («cet homme longtemps craint comme le diable», p.22) a si bien révélé et que rapporte A. Glaser:«Ce qui est bon pour la France est bon pour l'Afrique» (P.11). Telle est en fait la règle du jeu que le curieux néologisme de Glaser ne peut cacher. Un exemple type est contenu dans ces propos du Général De Gaulle: «Vous savez, cela suffit comme cela avec vos Nègres. Vous me gagnez à la main, alors on ne voit plus qu'eux: il y a des Nègres à l’Élysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner» (P.14). Le mépris du Nègre dans les relations françafricaines et ailleurs est une évidence que l'Africafrance ne pourra jamais cacher ou effacer malgré sa bonne volonté. Au-delà de cette critique que je me permets de formuler sur les «spécialistes de l'Afrique», j'ai lu avec intérêt le livre d'Antoine Glaser. Je dois avouer que dans la litanie des «spécialistes de l'Afrique», il est l'un des rares dont j'apprécie souvent les analyses. Je peux même avouer qu'il ne fait pas partie du club de la presse françafricaine (contrairement au sieur Venance Konan). Ce qui est à son honneur et lui donne quelque audience chez les «Africains libres». Même si ses révélations sont des choses déjà sues, son livre ne manque pas d'intérêt en dehors de ma remarque. J'ai (re)lu avec passion le chapitre sur la Côte d'Ivoire dont je vous propose quelques extraits. C'est le chapitre II intitulé: Côte d'Ivoire: au cœur du village gaulois (pp. 43-62). Dans une première partie il révèle «comment Alassane Ouattara le mal-aimé est devenu la coqueluche des cercles du pouvoir à Paris»:«Les relations directes entre Ouattara et Sarkozy ont été déterminantes pour faire intervenir l'armée française contre le bunker de Gbagbo» L'homme qui tient ces propos, deux ans après la chute de l'ancien président ivoirien, est un témoin incontestable. Aujourd'hui confortablement installé dans l'un des profonds fauteuils du bar de l’hôtel Raphaël, à Paris, Jean-Marc Simon était en première ligne ce 11 avril 2011. ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, il était l'un des relais de l’Élysée auprès de la Force Licorne tricolore. En pilonnant le palais de Laurent Gbagbo, l'armée française a permis aux troupes loyalistes d'Alassane Dramane Ouattara, dit «ADO» de l'emporter» (p.43).(…) La traversée du désert: Félix Houphouët-Boigny meurt le 7 décembre 1993... Alassane Ouattara, qui s'était rendu à plusieurs reprises à son chevet à Paris, croit qu'il peut lui succéder. A tort. S'il a le soutien des organisations internationales, il sous-estime en revanche le climat xénophobe qu'a créé Henri Konan Bédié..., autour de la notion d'ivoirité. C'est ce dernier qui s'installe dans le fauteuil d'Houphouët-Boigny. En 1994, il modifie la constitution pour exclure définitivement de la vie politique locale Alassane Ouattara, dont la nationalité ivoirienne est contestée parce qu'il a été gouverneur de la BCEAO sur le quota de la Haute-Volta... le coup est dur. L'ancien Premier ministre vacille et semble renoncer à se battre...Seule Dominique Ouattara y croit toujours et cultive discrètement ses propres réseaux en France afin de préparer le retour de son mari dans l'arène ivoirienne.
Même si cette histoire est déjà connue de tous, son rappel fait toujours du bien.
| |
|
|
|
|
|
|
|
Le jeu politique
02/03/2014 22:43
Le jeu politique
La politique serait-elle en train de devenir un jeu d'intelligents chez nous? En tout cas les derniers développements de l'actualité politique font espérer et rêver quand bien même il est à reconnaître que beaucoup d'efforts restent encore à accomplir et aussi qu'il faut demeurer toujours vigilant. Une fois n'est pas coutume, je dois saluer les autorités du pays qui sont en train de comprendre, même timidement, le sens de notre engagement depuis qu'elles ont fait irruption dans le palais ivoire sous escorte des bombes démocratiques sarkoziennes. En dehors du triste épisode d'Abobo où un ministre interdit un rassemblement à un parti politique et des quelques voyous de Yopougon qui ne voient pas venir le vent du changement, enivrés qu'ils sont par les discours haineux de leur parti, il faut confirmer que nos autorités ont pris la mesure du drame qui se préparait en s'arc-boutant sur des décisions farfelues et impopulaires qui ne détendent pas l’atmosphère social mais au contraire dressaient les ivoiriens les uns contre les autres. En laissant le FPI circuler librement à Abidjan pour tenir ses meetings, je crois que c'est le pouvoir lui-même qui en retire les bénéfices substantiels. Même si le FPI gagne en mobilisation et en dynamisme, je reconnais que le pouvoir lui gagne en honneur et en dignité. L'honneur et la dignité, pour un gouvernement ambitieux, ne sont pas les dernières des vertus à conquérir. Elles sont au contraire, en mon sens, l'unité de mesure qui fait avoir confiance en tous, aux nationaux comme aux étrangers, ainsi qu'aux investisseurs. Au demeurant,un pouvoir qui fait de l'honneur et de la dignité la clé de voûte de son activité gouvernementale peut transformer ses pires ennemis en amis bienveillants. Le FPI et le pouvoir viennent de se donner, l'un à l'autre, des leçons d’adversaires politiques (et non d'ennemis) et d'amis. Et c'est notre pays de façon générale qui gagne. Quand l'opposition tient ses meetings et qu'il n'y a pas de mort, quand il n'y a pas de menace d'interdiction ou de répression barbare comme ce fut le cas dans les premiers moments après le triste 11 avril 2011, même les ennemis doivent reconnaître qu'un grand bond en avant est fait. C'est pourquoi nous devons considérer le cas d'Abobo comme un acte isolé suscité par quelqu'un qui, protégeant ses propres intérêts, nuit gravement à ceux de ses propres partenaires qu'il met en danger et qui n'a pas encore compris que nous autres ivoiriens, fatigués d'une guerre imposée, aspirons vivre tranquillement aujourd'hui. Ailleurs, la politique est un jeu, un jeu d'intelligents pour le plaisir du peuple. Pourquoi s'obstine-t-elle à ne pas l'être autant sous les tropiques? Le jeu politique construit les nations civilisées et détermine leur destinée. Chez nous, quand il devient un danger public, il se transforme en charnier du peuple et surtout des plus vulnérables. Si nous voulons transformer le danger public qu'il est ici en vertu cardinale comme il l'est ailleurs, nous devons systématiquement donner de l'importance à ce que Démosthène nous enseigne: «Il faut que les principes d'une politique soient faits de justice et de vérité». Il n'y a que la «justice» et la «vérité» qui soient les fondements réels et les tenants du jeu politique. Ils en sont ses arbitres. Quand on veut les biaiser en les substituant à d'autres réalités ou en les instrumentalisant à d'autres fins, elles deviennent ce que je pourrais qualifier d'amertume de Gustave Flaubert: «Je n'ai de sympathie pour aucun parti politique ou pour mieux dire je les exècre tous, parce qu'ils me semblent également bornés, faux, puérils, s'attaquant à l'éphémère, sans vues d'ensemble et ne s'élevant jamais au-dessus de l’utile. J'ai en haine tout despotisme. Je suis un libéral enragé.»
En acceptant de revenir sur terre, de sortir de ses propres sentiers qu'il a lui-même battus, après cette saison d'anomie profonde faite de haine et de mépris envers ses opposants, le pouvoir d'Abidjan veut certainement tenter de rétablir la dynamique du jeu politique, redorer son blason. Cela est à son honneur. Mais, il n'est pas sûr que les intérêts en jeu en ce moment entre «héritiers» (qui doivent gérer maintenant la politique et la sciatique) qui se regardent en chiens de faïences garantissent la faisabilité et la fiabilité d'un tel projet politique. Et cela constitue un des dangers contre la politique sous nos tropiques: quand elle est envahie et pris en otage par des apprentis politiciens qui confondent politique et kalaches, préséance et gouvernement, enrichissement personnel et bien commun. Ainsi, quand le jeu politique veut être sincère, il faut lui trouver des hommes capables de l'assumer et non le confier à des braconniers politiques qui ne pensent qu'au bout de leur fusil et au contenu de leur besace. Comme une compétition sportive de haut niveau, le jeu politique exige des sportifs qualifiés, formés à la rigueur et à l'intelligence de la tâche et dont le respect des règles et de l'adversaire font partie intégrante de ce jeu. Le danger qui guette encore et pour longtemps notre pays, c'est la nature même de ceux qui viennent à la politique. Sont-ils compétents pour faire de la politique? Comprennent-ils vraiment le sens de leur engagement? En définitive, quelles sont leurs motivations réelles en s'inscrivant en politique? Ces questions sont à débattre dans les officines politiques pour tracer une lisibilité précise à l'action politique dans notre pays en la débarrassant des incompétents et autres suppôts qui entrent en politique avec canons, gris-gris, copains, copines, marmites et casseroles pour se remplir la bouche, le ventre et les poches. Malheureusement, c'est le sombre spectacle auquel nous assistons depuis la grande nuit du 11 avril 2011. Mais, ne désespérons pas.
| |
|
|
|
|
|
|
|
Les soldats de la re-coloniale
22/02/2014 17:36
Les soldats de la re-coloniale
Doit-on être fier d'être Africain? La question – si elle ne l'a jamais été sérieusement- mérite bien d'être posée à tous les Africains d'aujourd'hui. Quand je regarde tout le ballet et le boucan diplomatiques qui ont lieu en ce moment pour «sauver» la Centrafrique, j'avoue que par moments on doit pouvoir se cacher parce qu'on est Noir et surtout parce qu'on vit au milieu des Blancs, chez eux et qui vous demandent chaque fois: «Qu'est-ce qui se passe chez vous en Afrique?» Les Africains sont fiers que l'Europe, la France en tête déverse ses soldats de guerre sur notre terre sous prétexte que sans eux nous risquons de nous manger entre nous. Comme si cette horde d'armées étrangères qui nous assaillent aujourd'hui a-t-il jamais apporté la paix et la tranquillité sur notre continent depuis qu'elle accomplit cette sale besogne abusivement baptisée «Mission de paix». En larguant ces soldats Sangaris en Centrafrique, la France officielle avait chanté que c'était pour sauver les nègres qui se bouffaient. Et que cette opération, comme son fameux nom l'indique, serait comme un éclair, la paix en vitesse en quelque sorte. La présence de ces chiens de guerre n'a pas sauvé les centrafricains qui au contraire continuent leur haine les uns envers les autres sous les yeux sinon approbateurs, du moins émerveillés de ces soldats français de la paix en vitesse. Le schéma classique a été une fois encore utilisé en Afrique et toujours sans succès: chasser le président, faire des élections, promettre de l'aide financière. Et aujourd'hui la France qui ne peut jamais avouer son échec secoue ciel et terre pour accroître le nombre de ses soldats. Ainsi, très bientôt, ce sont encore des hordes de soldats européens, «ces hommes aux pieds de poule»; Cf. Léonora Miano, La saison de l'ombre, Paris, Grasset, 2013, 235p.), qui seront déversés sur le continent pour faire du tourisme et nous filmer en train de nous tuer et ramasser ici et là, devant leurs caméras programmés pour la circonstance, quelques gris gris et vieux fusils de chasse. Flanqués de «soldats africains» qui rappellent les «gardes-flocos» de la coloniale, ces nouveaux faiseurs de paix créent plus de misères que de paix. Cette démonstration de force des occidentaux qui imposent leur civilisation et leur démocratie aux autres peuples du monde notamment à l'Afrique nous plonge dans cette situation ubuesque de «paix impossible, guerre improbable» selon la belle formule de Raymond Aron; (titre de son article dans La Table ronde, n°3, mars 1948, p.418, formule citée par Tristan Lecoq dans Dictionnaire chronologique des guerres du xxè siècle, p.8). Sous le mensonge de nous protéger, les occidentaux maintiennent leurs bases militaires et en créent même de plus en plus sur le continent.
Malheureusement, l'Afrique, sans honte de sa part, se laisse recoloniser. Comment sommes-nous incapables de comprendre que ces soldats qui nous envahissent comme au temps de la colonisation viennent pour confirmer leur domination, nous terroriser et nous lier éternellement pour que nous soyons à la solde de leurs nations? Combien de temps nous faudra-t-il encore pour comprendre cela et refuser cette «aide» qui nous infantilise et nous humilie davantage? Et comment a-t-on pu mettre des hommes et maintenant des femmes à la tête de nos États et qui se montrent toujours incapables de nous défendre devant les occidentaux, leur orgueil et leurs guerres? Préoccupés qu'ils sont à préserver leurs propres biens pour eux-mêmes et leurs clans aujourd'hui et leur postérité, ils bradent le continent à leurs copains occidentaux qui en font leur terrain de guerre pendant qu'eux-mêmes se barricadent chez eux avec des lois farfelues contre l'immigration qui développent les sentiments racistes chez leur peuple contre les Noirs et les Arabes. Ce qui préoccupe depuis toujours nos chefs d’État, c'est leur bien-être envers et contre tout et aller se soigner en Occident souvent pour des bénignités pendant que ceux qu'ils prétendent diriger meurent comme des mouches dans des hôpitaux transformés en mouroirs publics. Doit-on être fiers d'être Africain, être fiers d'avoir de tels chefs, être fiers de tels gouvernements qui n'ont aucun souci du bien-être de leurs peuples? Ce triste spectacle offert au monde entier est tout honteux pour ceux d'entre nous qui croyons en la capacité de notre continent qui malheureusement est dirigé par des incapables, des sous-préfets bénis oui oui de leurs homologues occidentaux devant qui ils plient l'échine, s'abaissent à tout moment et de qui ils reçoivent feuille de route, ordres et missions. Pour l'Afrique, la mondialisation sonne comme sa recolonisation tous azimuts avec envahissement systématique de troupes étrangères qui ne sont là que pour protéger leurs propres intérêts et renforcer leurs prestiges. L'on a pensé que le XXIè siècle serait le temps de l'Afrique, «le temps des héritiers». Ceux-ci, nous l'avons cru, feraient entrer notre continent dans une dynamique de libération après tant d'années de souffrance, de domination, d'humiliation et de paupérisation. Hélas! chemin faisant, nous sommes bien obligés de nous rendre compte que les héritiers des «pères de la nation» se sont résolument inscrits dans la ligne tracée par leur père qui les ont préparés à leur succession avec comme mission de protéger et de pérenniser les acquis de la famille et du clan.
Dans l'état actuel où se trouve notre continent, deux choses nous sont possibles: accepter notre domination (qui serait notre dé-mission) ou nous en débarrasser en renvoyant ceux qui ont pris en otage nos palais présidentiels (qui serait notre libération). Notre salut et celui des générations à venir en dépendent.
| |
|
|
|
|
|
|
|
Papa Hollande à Abidjan
15/02/2014 02:12
Papa Hollande à Abidjan
J'emprunte le titre de la méditation de ce jour à l'intéressant livre de Nicolas Beau, (Papa Hollande au Mali. Chronique d'un fiasco annoncé, Paris, Balland, 2013, 224p.) Dans ce livre, l'auteur fait le point sous forme de chronique de l'intervention de la France au Mali, marquée par la visite de François Hollande dans ce même pays pour célébrer sa «victoire» sur les «forces du mal». Sur l'une des pancartes qui accueillaient dans la ferveur démesurée le président français à Tombouctou, on a pu lire «Merci papa Hollande»! Cet écriteau, à lui tout seul, retrace et décrit fort bien le type de relation que la France entretient depuis toujours avec ses «ex-colonies» d'Afrique; une relation de papa et de bébé.
Et revoilà le même papa Hollande au bord de la lagune ébrié ( sans ses fameux scooter et casque je l'espère). Son dernier voyage qu'il a effectué avant son atterrissage à Abidjan est sa visite d’État en Amérique du 10 au 12 février 2014! Sans vouloir polémiquer inutilement, mon esprit a essayé de revoir dans ce trajet hollandais, l'inverse de celui du commerce triangulaire, à l'époque de l'esclavage des Noirs par les Blancs: Europe – Afrique – Amérique – Europe. Est-ce un hasard du calendrier présidentiel? De toutes les façons, hasard ou pas, je remarque que papa Hollande veut refaire le chemin parcouru autrefois par grand-papa Hollande, même si lui prend le chemin inverse. N'était-il pas bon d'ailleurs, avant de fouler la terre de l'esclavage et de la douleur, qu'il allât saluer l'arrière petit-fils dont grand-papa a traîné l'ancêtre en Amérique et qui aujourd'hui trône en maître sur Noirs et Blancs?
Au bord de la lagune ébrié, Papa Hollande ne vient pas cette fois-ci chercher des esclaves. Cependant, le motif du voyage n'est pas différent, quoique la méthode semble radicalement changé: chercher de l'argent. Il y a bientôt les municipales en France. Il faut bien trouver de l'argent pour que le parti surpasse les autres et résiste à la tempête qui risque de l'emporter. Il faut aussi que les acquis de «la guerre de la France contre la Côte d'Ivoire» soient préservés. Pour cela, il faut bien que le successeur de Sarkozy vienne lui-même sur le terrain pour le contrôle d'usage ou de routine, surtout que Chinois et Japonais, qui ne connaissent pourtant pas «l'âme et la psychologie de l'Afrique de l'Ouest» rodent de plus en plus autour du gisement de pétrole ivoirien et des autres biens du pré. «La république des mallettes» doit bien résister à l'influence asiatiques chez nous. La manne est trop précieuse pour qu'elle échappe, même pour un petit moment, au contrôle de papa. En ces temps de galère en France, il faut bien que papa lutte pour préserver les acquis pour faire vivre la République et les enfants de plus en plus exigeants.
Au-delà de ce tour caricatural et un tantinet comique que j'ai bien voulu donner à cette affaire de visite de papa Hollande, mes convictions restent les mêmes, à savoir que la France, qu'elle soit de gauche ou de droite ou des deux extrêmes, ne changera jamais sa politique vis-à-vis de ses «anciennes colonies». Les hommes changeront à l’Élysée, mais les dossiers relatifs au pré carré resteront les mêmes et ils seront toujours lu et traités de la même façon: toujours à l'avantage de papa. Même quand les français n'approuvent pas la politique de leur président chez eux, ils l'approuvent toujours quand il s'agit de l'Afrique. Quand la côte de popularité de Hollande baisse piteusement en France, elle augmente quand il s'agit de l'Afrique.
Et les propos de ces journalistes français révèlent bien cet état de fait:« En raison de la proximité idéographique de l’Afrique, des liens politiques et culturels qui ont uni pendant si longtemps la France à ses anciennes colonies et de la faiblesse des États africains, certains estiment que le temps d'une «deuxième indépendance» pleinement assumée est venu, d'autres qu'il serait illusoire de croire que Paris n'interviendra plus sur le continent noir. Le nouvel ordre mondial, pensent-ils, exige au contraire davantage de France en Afrique. Occupés ailleurs, en Asie et dans le Pacifique, préoccupés par la situation en Syrie et le dossier du nucléaire iranien, les Américains ne peuvent et ne veulent pas agir partout. Ils se disent d'autant plus soulagés de «sous-traiter» les crises africaines à la France que c'est une «spécialité» délicate que Paris maîtrise mieux que les autres. «On ne peut sortir du rôle de gendarme de l'Afrique ni par de bonnes intentions ni par des discours. La France restera le gendarme de l'Afrique tant que l'Afrique ne parviendra pas à se gendarmer elle-même, dit l'un deux.» (Lasserre I. et Oberlé T., Notre guerre secrète au Mali, Paris, Fayard, 2013, p.221.)
Ainsi va la relation entre la France et ses «anciennes colonies». La visite de Papa Hollande rentre bien dans ce cadre vicieux et pervers éternellement tracé. Le bébé que l'Afrique est doit être attentif aux ordres de papa. Car c'est de lui qu'il reçoit subsistance et lumière. En dehors de lui il n'y a que ruines, misères et galères. Papa viendra nous tenir un autre discours. Mais ne soyons pas dupes. Car quand les officiels français parlent publiquement de nous, surtout en bien, nous devons lire dans leurs propos le contraire de ce qu'ils disent.
| |
|
|
|
|