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Homélie à l'occasion de la journée de prière pour l'Ecole ivoirienne
24/02/2013 09:34
Formation humaine et morale pour une école apaisée et performante
Formation humaine et morale pour une école apaisée et performante ; tel est le thème de prière proposé par les responsables de l’Ecole ivoirienne au plus haut niveau en ce jour qu’ils consacrent à la prière pour l’Ecole. Nous saluons personnellement cette initiative généreuse de prière qui nous fait comprendre que notre orgueil personnel et humain ne pourra jamais nous faire trouver les solutions adéquates à la bonne marche de notre système éducatif. Quand les hommes sont à bout de souffle et à court d’idées dans la résolution des conflits qui les travaillent et les minent, il est bien qu’ils s’arrêtent un moment et se tournent vers Celui hors duquel rien n’est possible : le Souverain, l’Infini, la Sagesse, l’Educateur, le Maître absolu : DIEU. C’est d’ailleurs ce qu’il nous dit dans l’Evangile que nous venons de proclamer : « Demeurez unis à moi comme je suis unis à vous. Un rameau ne peut pas porter de fruit par lui-même, sans être uni à la vigne. Je suis la vigne, vous êtes les rameaux. Celui qui demeure uni à moi, et à qui je suis uni, porte beaucoup de fruits, car vous ne pouvez rien faire sans moi (Jn15, 4-5).
Nous comprenons par ce thème de prière et de méditation que l’homme doit être au cœur de notre système éducatif. Il doit en être l’épicentre, la pièce maîtresse. La formation humaine et morale est la capacité et l’aptitude de l’homme à se connaître et à se reconnaître lui-même en tant que réalité et principe propres, à sortir de l’animalité et de la bestialité pour s’affirmer et s’afficher dans le monde de la civilisation humaine et moderne que les hommes essaient tant bien que mal de construire à travers les générations successives. Quand l’homme n’est pas éduqué, ou quand il ne l’est pas comme il faut, il reste dangereusement à l’étape de l’animal et ne lui parlons pas donc de moral. C’est pourquoi, pour vivre dans notre société qui a la prétention d’être moderne aujourd’hui, la formation ou l’éducation humaine et morale est incontournable pour les hommes que nous sommes. Dans notre cas, l’Ecole est le lieu de cette éducation. D’ailleurs le ministère à charge de cette question chez nous s’appelle toujours ministère de l’Education nationale. Un ministère qui a depuis toujours, à travers les pouvoirs et gouvernements successifs, la noble ambition de donner aux Ivoiriens que nous sommes un supplément d’âme à partir de l’éducation que nous recevons. De plus en plus, il est question d’une Ecole apaisée et performante. Et on lie judicieusement cela à l’éducation humaine et morale. Certainement, et c’est heureux, nous comprenons de plus en plus que le sort de notre école doit être inextricablement lié à l’éducation de ceux d’entre nous qui la fréquentent. Nous avons certainement compris aussi que notre Ecole ne devrait pas être uniquement un lieu d’acquisition et d’accumulation du savoir, de la science. Qu’est-ce qu’une tête bien faite et pleine de sciences si celle-ci ne connaît rien des valeurs et vertus qui fondent et caractérisent l’homme ? Pour paraphraser le philosophe, qu’est-ce qu’une tête bourrée de sciences si l’âme et la conscience sont en perdition, en ruine et en léthargie chroniques et avancées ? De notre humble point de vue, la formation humaine est la première éducation et la meilleure que tout être humain doit acquérir avant toute autre. Ce thème de notre prière de ce jour vient donc à propos pour nous faire comprendre que nous avons le devoir d’éduquer et de former à la morale, à l’éthique et à la vertu nos enfants d’aujourd’hui, fers de lance de notre civilisation de demain. Ce thème nous aide surtout à réfléchir sur l’école et à poser sur lui un regard et un diagnostic franc, sincère et sans faux fuyants en vue de comprendre l’urgence de nos actes en sa faveur.
Quand, au début de la création, Dieu fait tout ce que contient le monde qu’il venait de créer, il confia à l’homme la mission de dominer ce monde, de soumettre la terre à sa propre volonté. Comment l’homme peut-il dominer alors la terre et le monde s’il ne se met pas à l’école de Dieu ? Cette école de Dieu, c’est la sagesse, l’intelligence, la science, la technologie, le savoir, toute chose qui trouve sa plénitude en Dieu lui-même qui en est l’unique créateur et dispensateur. Son Fils Jésus-Christ lui-même s’est mis à l’école des grands maîtres de son époque. L’homme ne peut pas être intelligent si Dieu ne le permet pas. L’homme ne peut pas faire les découvertes qu’il a pu faire à travers le temps si Dieu ne lui a pas montré le chemin et donné la possibilité.
L’Ecole nous permet donc, depuis toujours, et plus encore aujourd’hui, de répondre à l’invitation de Dieu et de créer les conditions pour le bien-être de l’homme sur terre. Elle est donc une institution importante au même titre que toutes les autres institutions dans un pays et dans le monde. Comment peut-on former un gouvernement si l’école n’avait fourni les cadres compétents pour cette tâche ? Comment peut-on mettre en place un parlement si l’école n’avait formé des personnes capables et dignes d’y figurer ? L’école doit être prise au sérieux. Car elle est la première des institutions dans un pays. L’Eglise qui comprend sa mission dans le monde comme une mission d’éducation, d’instruction et de formation se dote de moyens nécessaires et appropriés dont l’Ecole, pour participer à la formation de cadres intelligents, compétents et capables de poursuivre l’œuvre de la création confiée au soin des hommes par Dieu.
Chers amis élèves chrétiens et croyants, responsables d’établissement, enseignants et autorités de toutes sortes, inscrivez-vous dans cette logique de l’Ecole comme lieu et temple du savoir et de l’intelligence des hommes. Accepter de vous laisser former pour relever les grands défis qui attendent les hommes, notre continent l’Afrique et notre pays la Côte d’Ivoire. Ces défis sont tellement nombreux et grands qu’ils exigent des compétences sérieuses et reconnues pour les relever.
Chez nous, cette Ecole malheureusement vit de grands moments de turbulences et de tourmentes depuis plusieurs années. Elle est prise en otage par des politiciens incompétents et ignares qui veulent forcer leur propre destin en actionnant et manipulant les élèves et les étudiants que vous êtes. Après les tristes et sombres époques de l’école pour tous et celles de l’école gratuite qui se sont terminées par des échecs retentissants, notre école continue encore d’être un lieu de propagande et de manipulation des consciences, un lieu d’intimidation et de promotion de l’incompétence au plus haut niveau. Sortons de l’Ecole des slogans pour réfléchir profondément sur le remède à administrer pour sortir cette Ecole ivoirienne de sa léthargie chronique pour en faire un lieu d’éducation humaine et morale pour obtenir des résultats performants. Les slogans politiques ne construisent pas l’Ecole. Ils la détruisent au contraire. Le gouvernement et les autres acteurs de notre système éducatif doivent œuvrer à inventer une Ecole apaisée et performante, bâtie sur des fondements solides, une Ecole ambitieuse qui puisse résister aux résultats catastrophiques enregistrés chaque fin d’année scolaire et à s’inscrire irrésistiblement et résolument dans la logique des grands défis à relever pour notre pays. La solution à la crise de l’école doit aller au-delà de la distribution, aussi généreuse fût-elle, de kits scolaires à coups de publicités tonitruantes, kits scolaires qui d’ailleurs sont méchamment pris en otage et confisqués par des responsables véreux pour les revendre à leurs propres comptes au détriment de ceux qui devraient en bénéficier. Elle doit aussi aller au-delà de la simple obligation pour les jeunes filles de se coiffer pour avoir accès aux salles de classes. La crise de l’Ecole ivoirienne est profonde. Elle est d’ordre structurel et sa résolution doit elle aussi aller au-delà du simple changement de responsables au haut niveau dont la nomination ne tient pas toujours compte de la compétence et de nos ambitions mais plutôt du copinage, du tribalisme et du « rattrapage ». C’est le système qu’il faut changer et non les hommes. On ne confie pas l’éducation de son enfant à quelqu’un qui a lui-même besoin d’éducation. Nous avons le devoir de sortir notre école ivoirienne de la magouille, de la corruption, du tripatouillage, de l’amateurisme, de la débrouillardise et de l’inconscience de beaucoup qui infectent notre système éducatif et qui sont payés parce qu’ils ne savent rien faire si ce n’est que tricher et voler sans scrupule l’Etat et les parents d’élèves. Soyez, vous, des responsables d’établissement sérieux qui servent l’Ecole et non qui se servent de l’Ecole pour arranger leur statut social.
Notre pays regorge d’assez d’hommes et de femmes intelligents pour inventer par lui-même et pour lui-même un système éducatif propre à nous-mêmes, qui tienne compte de nos réalités ivoiriennes propres, de nos cultures et traditions propres et de nos ambitions propres, si tant est que nous en avons encore dans ce pays, et non un système importé d’autres cieux, notamment de l’Occident, à coups de milliards qui, sur le terrain, s’avère toujours incompréhensible et illisible, donc improductif et impopulaire, formant au rabais nos enfants selon la volonté même de ceux qui nous l’ont imposé. Sortons des sentiers battus de l’Ecole médiocre pour voir la réalité en face. N’agissons pas comme des idiots et des ignares qui se laissent malmener par des puissants venus d’ailleurs qui œuvrent pour leur propre salut et dont le projet est de nous imposer leur culture et leur civilisation en perdition chez eux. Notre système scolaire doit être inventif, imaginatif et créatif. C’est le minimum pour relever les grands défis qui nous attendent dont la performance. Forgeons notre destin commun à partir de notre système éducatif que nous aurions nous-mêmes inventé pour notre salut, à partir de nos propres intelligences et compétences. Osons créer. Osons inventer. Osons imaginer.
Chers amis élèves, aujourd’hui, les sentiers de la réussite passent obligatoirement par l’Ecole, une école apaisée et performante. L’Ecole apaisée et performante est le chemin le plus facile et le plus sûr. Le monde veut malheureusement vous montrer d’autres chemins, malheureusement moins sûrs. Ne les empruntez pas. Chez nous aussi l’on veut tenter de vous montrer et même imposer d’autres chemins de la réussite. Ces chemins sont incertains et surtout extrêmement dangereux. Les armes qu’on prend pour forcer son avenir et son destin ne sont pas rassurantes et ne garantissent point l’avenir. Préférez le stylo aux armes. Car les armes, pour un temps, vous donneront l’illusion d’avoir réussi après avoir massacré des vies humaines et vous avoir installé dans un fauteuil ministériel ou parlementaire. Par contre, avec le stylo, votre réussite est garantie pour toujours. Les armes vous font prendre des raccourcis. Or tout raccourci peut s’avérer incertain voire dangereux par la suite. A contrario, le stylo vous fait prendre un chemin certes long et difficile, harassant et rugueux. Mais quand vous parvenez au bout, après tant d’efforts et de sacrifices, vous êtes épanouis pour toujours. Si quelques-uns parmi vous ici veulent déjà imiter les faux modèles de réussite qu’on brandit aujourd’hui chez nous, je les encourage à rebrousser chemin. Imitez plutôt les vrais modèles, ceux qui ont souffert et trimé avec intelligence en restant accrochés à leurs cahiers, livres et leurs stylos pour réussir. Et Dieu seul sait combien notre pays en regorge aujourd’hui. Fuyez la paresse et la facilité. Abonnez-vous à l’effort, à la souffrance, à la rigueur, au travail, à l’abnégation, à l’ascèse. C’est le vrai chemin de la réussite. Vous en êtes capables. Ne bradez pas votre jeunesse. Ne la livrez pas non plus aux politiciens véreux et incompétents qui vous utilisent pour s’enrichir et ne pensent pas à votre avenir mais uniquement à celui de leurs enfants dont la plupart sont inscrits dans les grandes universités occidentales. Bientôt, ils viendront encore vers vous pour solliciter votre force physique et vos sueurs, même votre sang pour être maires ou conseillers régionaux en vous distribuant des tee-shirts à leur propre effigie. Ne vous laissez pas emporter par cet appât honteux et indigne. Consacrez-vous à vos études car le temps joue contre vous. Ne les suivez donc pas. Cette année scolaire doit être pour vous tous et pour chacun une année de réussite. Que chacun se lance ce défi à relever personnellement. Un autre chemin de la réussite est le respect scrupuleux de vos maîtres, vos professeurs, vos éducateurs et vos responsables d’établissement. Chers amis, ne prenez jamais le grave risque de leur désobéir. Car un apprenant ne doit jamais manquer de respect à son maître. Soyez accrochés à eux car vous avez le devoir de gouter à leurs sciences. Respectez-les toujours et en tout lieu. L’élève qui veut réussir ne peut pas trouver une autre voie de réussite en dehors de ses maîtres. Soyez des élèves polis et studieux. Malheureusement, nous avons appris, avec stupéfaction qu’il y a seulement quelques jours, un élève a battu son professeur ici même, dans l’un de nos établissements secondaires. C’est une horreur dont la sanction doit être proportionnelle à la gravité de l’acte posé. Battre son professeur, c’est accepter soi-même de s’exclure définitivement du système éducatif, ce lieu où on ne bande pas les muscles contre ses maîtres et ses amis, mais plutôt contre la paresse et les résultats catastrophiques en vue de leur éradication. Je souhaite, pour une école apaisée et performante, qu’une mesure corrective et exemplaire soit prise à l’encontre de cet élève indélicat pour que cet acte ignoble ne se répète plus jamais chez nous, en ce lieu où nous-même avions reçu notre éducation.
Chers amis responsables d’établissements, enseignants et éducateurs, la nation vous confie ses enfants, la prunelle de ses yeux. Aimez-les. Regardez-les comme des enfants de Dieu à qui vous devez transmettre le savoir que vous-mêmes aviez reçu et acquis chez d’autres maîtres. Faites d’eux vos disciples dans la science et faites de vous-mêmes leurs maîtres, de vrais et bons maîtres sûrs d’eux-mêmes et fiers de former les générations futures en vue des grands défis que l’Afrique et notre pays doivent coûte que coûte relever pour sortir de la domination des autres peuples. Prenez votre mission auprès de ces enfants comme un sacerdoce, un ministère sacré pour lequel vous allez devoir rendre compte à Dieu quand il reviendra dans sa gloire. Ce sont des êtres fragiles que vous devez modeler à la manière de ce que Dieu vous recommande et vous exige et non des êtres à exploiter, dont il faut abuser et profiter de l’ignorance et de la fragilité juvéniles. Donnez-leur le vrai savoir pour relever les grands défis de demain qui les attendent et qui doivent porter notre pays vers des lendemains de gloire. Surtout, ne vous exercez pas à cet exercice honteux qui est de vous laisser corrompre par vos propres élèves pour quelques pièces d’argent en fin de trimestre ou d’année. Soyez dignes vis-à-vis de vos élèves. Dominez-les dans tous les sens et dans tous les compartiments. Ne nagez pas dans la grisaille et dans la boue avec eux. Vous êtes leurs maîtres. Eux sont vos élèves et vos disciples. Pour une école apaisée et performante, prenez cet engagement ferme vis-à-vis de vous-mêmes et vis-à-vis de la nation.
Prions en ce jour pour notre Ecole en difficulté. Prions pour ceux qui la dirigent au plus haut niveau. Elle va bientôt entrer dans une zone de turbulence avec la grève annoncée des enseignants qui revendiquent légitimement un bon traitement. Prions pour que ceux qui doivent décider en prenant la décision juste soient habités par l’Esprit Saint, comme ils le sont aujourd’hui en décrétant une journée de prières, pour prendre la décision juste et efficace qu’il faut. Car, une école apaisée et performante passe obligatoirement par une attention particulière à ceux qui l’animent dont les enseignants.
1er février 2013
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Faut-il brûler nos facultés ivoiriennes de droit?
22/02/2013 16:56
Faut-il brûler les facultés ivoiriennes de droit ?
Chassez le naturel, il revient toujours et en force au galop ! Cet adage ne ment pas. La preuve est donnée ces derniers jours avec cette nauséeuse affaire de « nationalité douteuse » qui refait violemment surface grâce ou à cause (c’est selon) de celui-là qui fut l’acteur principal de cet épisode troublant de l’histoire récente de notre pays. De toute évidence, pour notre cher président, le rattrapage ethnique s’accompagnera désormais et certainement malgré lui, comme un boulet à ses pieds, du rattrapage historique. L’histoire est foncièrement têtue. Nous étions pourtant prévenus. Même parvenu au pouvoir grâce aux « bombes démocratiques », l’histoire le rattrape cette fois-ci sans ses « bombes démocratiques ». En voulant forcer le destin de cette triste façon, il est rattrapé par sa propre histoire, non de gloire mais de mensonge, de faux et de sang. Il est même entré en collusion avec sa propre histoire. Et cette collusion a commencé dans les montagnes de l’ouest. De quoi s’agit-il ? Il est abondamment question dans la presse, ces jours-ci, que le sieur Tia Koné, qu’on pourrait, il y a peu, ranger dans la catégorie des savants du droit dans notre pays, a révélé et soutenu que ce qu’il avait dit en 2000 pour justifier le rejet des candidatures présidentielle et législative de Alassane Dramane Ouattara, était faux. Il aurait fait du faux de même que son mentor d’aujourd’hui. Il a dit cela dans les montagnes, à l’ouest de notre pays, là où se couche le soleil (est-ce un signe prémonitoire ?) A l’analyse, il dit n’avoir pas compris pourquoi il a agi ainsi alors que celui qui était visé par la loi sortait des cuisses de Jupiter du côté du Fmi et que c’est lui et lui seul qui pouvait sortir notre pays de sa galère et de sa misère de l’époque. L’on se pose légitiment alors la question de savoir pourquoi ce revirement spectaculaire de situation d’un savant du droit et de la magistrature là où on ne l’attendait pas ; au moment où le front de guerre juridique sur la question de la « nationalité douteuse »d’Alassane Dramane Ouattara semble refroidi pour toujours avec son entrée fracassante au palais ivoire. Pour notre pays, l’histoire juridique semble se répétée depuis le triste 11 avril 2011. En effet, hier c’était Paul Yao Ndré qui nous plongeait dans une magouille juridique et constitutionnelle qu’il aurait lui-même honte à enseigner à ses étudiants débutants d’ici et d’ailleurs. Mais il l’a fait pour plaire à la communauté internationale et pour en retirer des dividendes. C’était aussi Francis Wodié, un autre savant du droit dans notre pays qui tordait le cou à notre constitution pour justifier l’injustifiable alors qu’il était blotti dans le bunker du Golf. Aujourd’hui, c’est Tia Koné qui se débine de cette façon et sans honte devant caméras et micros choisis et réglés pour la circonstance et dans les montagnes. Paul Yao N’dré, Francis Wodié et Tia Koné ne sont pas des juristes et magistrats quelconques (ou du moins jusqu’à à une époque donnée) dans notre pays et même en Afrique et dans le monde. Ils ont enseigné de générations d’étudiants dont beaucoup sont des cadres de la magistrature un peu partout dans le monde. A ce niveau, on ne peut pas vraisemblablement douter de leur science. Mais quand ces hommes de science se trainent par terre pour déchirer en mille morceaux et de façon aussi indécente et indigne ce qu’ils ont eux-mêmes enseigné et prennent une autre route qui n’est pas celle du droit, de la science et de la sagesse, il est à se demander s’il est encore nécessaire de laisser nos facultés de droit ouvertes dans nos universités ivoiriennes. Ne faut-il pas les brûler ? Un analyste pointilleux du quotidien Le Nouveau Courrier, Philippe Brou, a pu nous faire remarquer intelligemment ceci sur la question : « Comment peut-on comprendre qu’à l’âge où les personnalités d’un certain rang, en Occident, écrivent leurs mémoires pour défendre leur place dans l’Histoire, les nôtres, sous nos tropiques, continuent dans la complaisance et la révérence envers les puissants dans l’attente désespérée de sordides rentes de situation ? Les juristes les plus éminents de Côte d’Ivoire n’en finissent pas d’avaler leur langue et leur dignité depuis ce fameux 11 avril 2011. » (Le Nouveau Courrier du 12 février 2013). Toute la question est là : que signifie la vertu de dignité pour nos trois « éminents juristes » ivoiriens devant les décisions qui devraient engager leur dignité, leur honneur et leur science? Tout laisse croire qu’en Côte d’Ivoire, devant la kalache, la soupe et la rente, les vertus de dignité et d’honneur se vident de leur sens même chez les intellectuels chevronnés qui ont marqué de nombreuses générations d’étudiants et de cadres compétents. Comment de tels juristes peuvent-ils aussi facilement vider le contenu de leur science devant la marmite et les espèces sonnantes et trébuchantes de politiciens dont très souvent l’inculture et donc l’ignorance s’étale à l’œil nu et au grand jour? Je plains ces jeunes ivoiriens aujourd’hui qui se targuent d’étudier le droit. Qu’est-ce qu’ils font encore dans nos facultés de droit s’ils doivent voir leurs maîtres rouler dans la poussière pour obtenir les subsides et autres prébendes ou rentes viagères d’hommes aux comportements douteux pour assurer leurs vieux jours? Paul Yao N’dré, Francis Wodié et Tia Koné ne doivent plus être des modèles et des références dans le domaine du droit en Côte d’Ivoire. Ils ont étalé, sous nos yeux, leurs faiblesses et leurs lacunes vis-à-vis de l’argent et du pouvoir. Leur manque de courage devant leur propre décision révèle des personnalités plus émotives et complaisantes qu’intellectuelles. La rigueur intellectuelle qui doit caractériser tout savant les a lâchés sur l’autel de considérations complaisantes et forcément mercantiles. Dans son discours de l’Ouest, quels sont les éléments de preuve qu’il apporte pour annuler ces décisions de 2000 ? C’est là que désormais le sieur Tia est attendu par tous ces ivoiriens qui pleurent aujourd’hui la grande mascarade qui se trafiquent sous leurs yeux impuissants. En faisant prévaloir l’émotion sur la science, on conduit les ivoiriens dans un débat creux, politiquement malsain et vicieux. La question de la nationalité du dictateur d’Abidjan, qui de toute évidence était pendante, pouvait être ressuscitée par tout le monde sauf par Tia Koné à moins que la « gouvernementalité du ventre » ne soit le critère de choix de ce dernier. Nous avons toujours soutenu que la guerre a toujours été le fait des intellectuels. Ce sont eux qui ouvrent les fronts de guerre et vont facilement se la couler douce ailleurs, dans les oasis de bonheur. Tia Koné serait-il aujourd’hui en mesure de regarder les Ivoiriens en face et de leur faire entendre un autre son de cloche que son arrêté de 2000 contre sa nouvelle idole et champion toute catégorie d’aujourd’hui ? Serait-il capable d’enseigner encore le droit dans nos universités ? Ces questions ne sont pas subsidiaires.
Père JEAN K.
perejeank@yahoo.fr
www.perekjean.vip-blog.com
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Faut-il brûler nos facultés ivoiriennes de droit?
22/02/2013 16:52
Faut-il brûler les facultés ivoiriennes de droit ?
Chassez le naturel, il revient toujours et en force au galop ! Cet adage ne ment pas. La preuve est donnée ces derniers jours avec cette nauséeuse affaire de « nationalité douteuse » qui refait violemment surface grâce ou à cause (c’est selon) de celui-là qui fut l’acteur principal de cet épisode troublant de l’histoire récente de notre pays. De toute évidence, pour notre cher président, le rattrapage ethnique s’accompagnera désormais et certainement malgré lui, comme un boulet à ses pieds, du rattrapage historique. L’histoire est foncièrement têtue. Nous étions pourtant prévenus. Même parvenu au pouvoir grâce aux « bombes démocratiques », l’histoire le rattrape cette fois-ci sans ses « bombes démocratiques ». En voulant forcer le destin de cette triste façon, il est rattrapé par sa propre histoire, non de gloire mais de mensonge, de faux et de sang. Il est même entré en collusion avec sa propre histoire. Et cette collusion a commencé dans les montagnes de l’ouest. De quoi s’agit-il ? Il est abondamment question dans la presse, ces jours-ci, que le sieur Tia Koné, qu’on pourrait, il y a peu, ranger dans la catégorie des savants du droit dans notre pays, a révélé et soutenu que ce qu’il avait dit en 2000 pour justifier le rejet des candidatures présidentielle et législative de Alassane Dramane Ouattara, était faux. Il aurait fait du faux de même que son mentor d’aujourd’hui. Il a dit cela dans les montagnes, à l’ouest de notre pays, là où se couche le soleil (est-ce un signe prémonitoire ?) A l’analyse, il dit n’avoir pas compris pourquoi il a agi ainsi alors que celui qui était visé par la loi sortait des cuisses de Jupiter du côté du Fmi et que c’est lui et lui seul qui pouvait sortir notre pays de sa galère et de sa misère de l’époque. L’on se pose légitiment alors la question de savoir pourquoi ce revirement spectaculaire de situation d’un savant du droit et de la magistrature là où on ne l’attendait pas ; au moment où le front de guerre juridique sur la question de la « nationalité douteuse »d’Alassane Dramane Ouattara semble refroidi pour toujours avec son entrée fracassante au palais ivoire. Pour notre pays, l’histoire juridique semble se répétée depuis le triste 11 avril 2011. En effet, hier c’était Paul Yao Ndré qui nous plongeait dans une magouille juridique et constitutionnelle qu’il aurait lui-même honte à enseigner à ses étudiants débutants d’ici et d’ailleurs. Mais il l’a fait pour plaire à la communauté internationale et pour en retirer des dividendes. C’était aussi Francis Wodié, un autre savant du droit dans notre pays qui tordait le cou à notre constitution pour justifier l’injustifiable alors qu’il était blotti dans le bunker du Golf. Aujourd’hui, c’est Tia Koné qui se débine de cette façon et sans honte devant caméras et micros choisis et réglés pour la circonstance et dans les montagnes. Paul Yao N’dré, Francis Wodié et Tia Koné ne sont pas des juristes et magistrats quelconques (ou du moins jusqu’à à une époque donnée) dans notre pays et même en Afrique et dans le monde. Ils ont enseigné de générations d’étudiants dont beaucoup sont des cadres de la magistrature un peu partout dans le monde. A ce niveau, on ne peut pas vraisemblablement douter de leur science. Mais quand ces hommes de science se trainent par terre pour déchirer en mille morceaux et de façon aussi indécente et indigne ce qu’ils ont eux-mêmes enseigné et prennent une autre route qui n’est pas celle du droit, de la science et de la sagesse, il est à se demander s’il est encore nécessaire de laisser nos facultés de droit ouvertes dans nos universités ivoiriennes. Ne faut-il pas les brûler ? Un analyste pointilleux du quotidien Le Nouveau Courrier, Philippe Brou, a pu nous faire remarquer intelligemment ceci sur la question : « Comment peut-on comprendre qu’à l’âge où les personnalités d’un certain rang, en Occident, écrivent leurs mémoires pour défendre leur place dans l’Histoire, les nôtres, sous nos tropiques, continuent dans la complaisance et la révérence envers les puissants dans l’attente désespérée de sordides rentes de situation ? Les juristes les plus éminents de Côte d’Ivoire n’en finissent pas d’avaler leur langue et leur dignité depuis ce fameux 11 avril 2011. » (Le Nouveau Courrier du 12 février 2013). Toute la question est là : que signifie la vertu de dignité pour nos trois « éminents juristes » ivoiriens devant les décisions qui devraient engager leur dignité, leur honneur et leur science? Tout laisse croire qu’en Côte d’Ivoire, devant la kalache, la soupe et la rente, les vertus de dignité et d’honneur se vident de leur sens même chez les intellectuels chevronnés qui ont marqué de nombreuses générations d’étudiants et de cadres compétents. Comment de tels juristes peuvent-ils aussi facilement vider le contenu de leur science devant la marmite et les espèces sonnantes et trébuchantes de politiciens dont très souvent l’inculture et donc l’ignorance s’étale à l’œil nu et au grand jour? Je plains ces jeunes ivoiriens aujourd’hui qui se targuent d’étudier le droit. Qu’est-ce qu’ils font encore dans nos facultés de droit s’ils doivent voir leurs maîtres rouler dans la poussière pour obtenir les subsides et autres prébendes ou rentes viagères d’hommes aux comportements douteux pour assurer leurs vieux jours? Paul Yao N’dré, Francis Wodié et Tia Koné ne doivent plus être des modèles et des références dans le domaine du droit en Côte d’Ivoire. Ils ont étalé, sous nos yeux, leurs faiblesses et leurs lacunes vis-à-vis de l’argent et du pouvoir. Leur manque de courage devant leur propre décision révèle des personnalités plus émotives et complaisantes qu’intellectuelles. La rigueur intellectuelle qui doit caractériser tout savant les a lâchés sur l’autel de considérations complaisantes et forcément mercantiles. Dans son discours de l’Ouest, quels sont les éléments de preuve qu’il apporte pour annuler ces décisions de 2000 ? C’est là que désormais le sieur Tia est attendu par tous ces ivoiriens qui pleurent aujourd’hui la grande mascarade qui se trafiquent sous leurs yeux impuissants. En faisant prévaloir l’émotion sur la science, on conduit les ivoiriens dans un débat creux, politiquement malsain et vicieux. La question de la nationalité du dictateur d’Abidjan, qui de toute évidence était pendante, pouvait être ressuscitée par tout le monde sauf par Tia Koné à moins que la « gouvernementalité du ventre » ne soit le critère de choix de ce dernier. Nous avons toujours soutenu que la guerre a toujours été le fait des intellectuels. Ce sont eux qui ouvrent les fronts de guerre et vont facilement se la couler douce ailleurs, dans les oasis de bonheur. Tia Koné serait-il aujourd’hui en mesure de regarder les Ivoiriens en face et de leur faire entendre un autre son de cloche que son arrêté de 2000 contre sa nouvelle idole et champion toute catégorie d’aujourd’hui ? Serait-il capable d’enseigner encore le droit dans nos universités ? Ces questions ne sont pas subsidiaires.
Père JEAN K.
perejeank@yahoo.fr
www.perekjean.vip-blog.com
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Rattrapage à 40%
21/02/2013 18:40
(Article déjà paru dans la rubrique Au nom de notre foi du quotidien Notre voie)
« RATTRAPAGE» A « 40% »
Après l’ambiance de salle de CAN dont nous avons fait écho le weekend dernier dans cette même rubrique, je replonge dans notre train-train quotidien marqué par une situation socio politique chaotique dont les conséquences, chaque jour, se donnent à voir bruyamment ou discrètement sous nos yeux impuissants. Je voudrais consacrer la rubrique de ce jour aux propos de M. Alassane Ouattara, notre président, tenus lors de sa « visite officielle » chez l’ami SARKOZY. Interrogé par le journal français L’Express sur la nomination de ressortissants du Nord à des postes-clés, il a, sans sourire, répondu ceci : «Il s'agit d'un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du Nord, soit 40 % de la population, étaient exclues des postes de responsabilité» ! Ces propos sont extrêmement graves. Je peux comprendre qu’un simple citoyen, ressortissant du Nord de notre pays, assis à son salon, au milieu de sa famille ou au maquis, entre deux bouteilles de bière bien glacée, puisse tenir ces propos. Cela paraîtrait normal, a priori. Mais qu’un chef d’Etat, en « visite officielle » dans un autre d’Etat, dise cela à la face du monde entier devant caméras et micros, il faut comprendre et croire que notre pays est en train de sombrer dans un tribalisme pur et dur ! Comme a fait observer Théophile KOUAMOUO en réaction à ces propos présidentiels officiels, quand un chef d’Etat, parvenu au pouvoir dans des conditions que nous connaissons tous constate que « 40% » d’une partie de son peuple a été marginalisé, ce qu’il devrait faire, ce n’est pas un exercice de « rattrapage ». Il doit au contraire créer les conditions pour que plus jamais une telle situation ne se reproduise dans son pays en favorisant l’harmonie et la cohésion nationales. C’est cela qu’on appelle l’éthique politique ou l’éthique de la gouvernance. Il est dangereux que le président de notre république fasse l’option préférentielle de « 40% » de la population qu’il dirige et issue de son groupe ethnique, dressant ainsi « 40% » de rattrapés contre 60% de damnés, condamnés à ruminer leur indignation dans leur salon. Ce sont ces politiques tribalistes et à courte vue que nous devrions publiquement dénoncer au risque d’être des complices lâches des dérives qui en découleront. Mgr Alexis TOUABLY, président de la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire, dans son homélie à Yamoussoukro lors de la récente conférence épiscopale de l’Afrique de l’Ouest, a dit clairement que si l’Eglise en Afrique de l’Ouest abdique dans sa mission de dénoncer et de s’opposer à toutes les injustices internes et externes qui minent notre sous-région, les voix et les cris des exploités, marginalisés et pauvres retentiront tellement forts qu’ils risquent de couvrir nos belles mélodies et mélopées dans nos églises. Je me range dans cette vision du prélat pour dénoncer ce tribalisme officiel de rattrapage qui sévit dans notre pays depuis quelque temps. Lors de cette « visite officielle » le président a signé un « accord de défense » - qu’il vaudrait mieux appeler accord de protection ou protectorat-avec la France. Personne n’est dupe. C’est un accord pour défendre un pouvoir ondoyant. Car, au moment où tous les pays aspirent à s’autodéterminer en se protégeant et se défendant eux-mêmes, je ne puis pas comprendre que 52 ans après nos indépendances, on aille confier notre défense au colonisateur. Mais, l’histoire nous montre toujours que les dictatures les plus militarisées au monde n’ont jamais eu raison de la détermination des pauvres, des rejetés, des marginalisés, des non-rattrapés. Autrement dit, ceux-ci sont toujours venus à bout de celles-là. C’est pourquoi, la meilleure façon de protéger son pouvoir, c’est d’œuvrer à mettre ensemble tous les fils du pays sans tenir compte de leurs origines géographiques. Si le Nord qu’il estime à « 40% » venait à voir le Sud de 60% se lever contre lui pour crier son indignation, à quoi assisterons-nous dans notre pays ? Le tribalisme n’est pas un art de gouvernement. Savoir diriger un pays, ce n’est pas rattraper ses frères contre les autres. Donnons un contenu et un sens vrais et réel à notre « réconciliation » » qui peine à prendre justement à cause de ce système tribaliste de « rattrapage ». Les frères du Nord n’ont pas besoin de tribalisme présidentiel pour se faire valoir. Nous les savons intelligents, et pleins de conviction pour s’assumer eux-mêmes. Et c’est ce qu’ils ont fait jusque-là. Donc un coup de main de « rattrapage » n’est pas digne d’eux. C’est au contraire les sous-estimer et les humilier. Ils ont toujours mérité d’eux-mêmes leurs postes de responsabilité dans notre pays. Arrêtons de les manipuler pour assouvir des ambitions politiques.
Bonne chance aux éléphants pour demain. Vivement qu’ils « rattrapent » toutes les erreurs qu’ils ont commises depuis les nombreuses CAN auxquelles ils participent.
P. JEAN K.
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Ambiance politique au campement
21/02/2013 16:50
(Article déjà paru dans la rubrique Au nom de notre foi du quotidien Notre voie)
Ambiance politique au campement
Du 12 au 26 septembre dernier, j’ai passé quelques temps de vacances, là-bas, dans le campement de mes parents, perdu entre la forêt classée de la Marahoué et la savane, dans la région de la Marahoué. J’ai voulu volontairement fuir un tantinet l’ambiance morose et délétère de la Cité des antilopes, rythmée fréquemment et sauvagement par les rumeurs d’attaques et les exactions inhumaines des FRCI et de leurs cousins Dozos sur les jeunes qu’ils identifient et photographient comme des « miliciens pro-Gbagbo » et qu’ils traquent méchamment jusque dans leur dernier retranchement sur indication mensongère de jeunes Dioulas. Oubliant eux-mêmes leur triste et lugubre passé pourtant récent, ils s’adonnent à ces exactions, sous prétexte de protéger le pouvoir de leur mentor acquis dans « le feu, la flamme et la boue ». Nos experts et autres spécialistes en droits humains, naguère alertes, prolixes, imaginatifs et productifs sont subitement et étrangement devenus muets, sourds et aveugles devant ce triste spectacle et la clameur sans cesse abasourdissante des opprimés et torturés du pouvoir du « feu, de la flamme et de la boue » qui sourde des camps de concentration établis sur toute l’étendue du territoire dont la Dst est le point d’orgue.
J’ai donc voulu fuir cette ambiance macabre et amère ; abandonner journaux, radios, télévisions, internet et rumeurs pour vivre d’autres réalités dans la brousse, respirer l’air frais non pollué par la poudre de canon, tendre des pièges, attraper et manger de la « viande de brousse », boire du vin de palme pure, non « baptisé », parler ma langue, causer avec mes frères et amis toujours contents de me revoir, visiter des plantations d’ignames, de manioc, de riz, de bananes, être réveillé par les chants du coq et les gazouillements d’oiseux venus du ventre de la forêt qui ceinture le campement et non plus par la voix tonitruante du muezzin et par la cloche matinale de l’église paroissiale du quartier, écouter les nouvelles du campement et en vivre l’ambiance sauvage par ces temps de pluie et d’intenses travaux champêtres. En somme, je voulais changer d’air et d’activités, voir et parler avec d’autres personnes, écouter d’autres choses, établir une relation avec la nature sauvage. Ainsi, je fus content de retrouver les miens malgré les vicissitudes du voyage qui ont contraint le confrère qui m’accompagnait à rebrousser chemin avec sa voiture et à terminer le reste du trajet à pied.
Après les salutations d’usage selon le bon rituel mais combien compliqué baoulé, mes frères qui étaient visiblement bien contents de me revoir depuis janvier 2010, m’ont invité à prendre le pot traditionnel de bangui pour me souhaiter la bonne arrivée fraternelle. Je n’attendais que cela de toutes les façons. C’est toujours un moment de délices pour moi, boire du vin de palme, souvent jusqu’à la lie. Autour de ce pot fraternel qui suscite toujours de la bonne causerie, je m’attendais à celle à laquelle j’ai toujours été habitué par mes frères : telle jeune fille s’est mariée avec tel jeune homme malgré l’opposition des parents par trop conservateurs ; telle autre a dû fuir nuitamment le campement pour ne pas avoir à subir l’incessant harcèlement des jeunes et même de quelques adultes avides de chair fraiche ; tel cousin paresseux qui n’a pu récolter un seul sac de riz ; tel autre qui a abandonné son champ d’ignames pourtant prometteur pour aller à la conquête d’une jeune fille incertaine ; tel jeune homme qui est allé chercher son gibier dans le piège d’un autre…Ce sont ces genres de nouvelles que mes frères jugeaient utiles pour mon information chaque fois que je me suis retrouvé avec eux dans les mêmes circonstances et ambiances.
Contre toute attente, cette fois-ci, et pour cette présente beuverie fraternelle, le ton et la nature des nouvelles ont purement et simplement changé, à ma très grande surprise.
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Petit frère, quelles sont les nouvelles fraiches du pays ? Te connaissant, je suis sûr que tu as beaucoup à nous dire. Me demande et se rassure, d’un ton doux mais ferme un ami.
A peine ai-je tenté une réponse qu’un autre, avec beaucoup de lucidité que je ne lui avais jamais connue s’imposa net :
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Petit frère, nous avons appris, par la radio, que les universités viennent de rouvrir.
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Oui, il y a seulement quelques jours. Je répondis.
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On nous a aussi dit que les travaux on coûté cent milliards de francs Cfa. Est-ce vrai ?
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Oui, cent milliards selon le ministre ; cent dix milliards selon le président lui-même. Je précisai.
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Ah bon ! Comment ça ? Il y a eu donc de nouvelles universités ? Questionna un autre qui vidait son verre et raclait bruyamment sa gorge comme pour laisser circuler son bangui.
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Non ! Pas du tout ! Se précipita de répondre un autre, le verre encore plein du précieux liquide.
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Comment ça alors ! Cent dix milliards pour peindre uniquement des bâtiments ! Ca c’est grave ! Dans quel pays sommes-nous ? Nous les paysans, on nous chante chaque jour que le succès de ce pays repose sur nous. Mais personne ne nous connaît. Leur affaire de développement c’est pour Abidjan seulement. Nos pistes sont lamentables. Petit frère, tu as dû toi-même t’en rendre compte en arrivant ici. Ta voiture a été obligée de retourner à cause de notre horrible route. Nos produits, fruits de nos labeurs et de nos sueurs, pourrissent dans nos champs. Quand nos femmes s’arrangent pour arriver au marché, d’autres femmes venues d’Abidjan les exploitent et pillent sans vergogne leurs marchandises. Quand nous sommes malades, personne ne s’occupe de nous dans les hôpitaux. Et les ordonnances sont tellement nombreuses et coûteuses que nous sommes obligés de fuir souvent nuitamment l’hôpital pour venir voir mourir notre malade ici dans cette brousse. Mais, malgré tout, nous tenons quand même. Ici au campement, notre développement c’est le cellulaire et le réseau que nous recherchons et trouvons difficilement dans les arbres de nos brousses. C’est cela notre développement ici au campement. Tu es prêtre. Plus que nous ici au campement, tu vois et tu sais beaucoup de choses. Tu dois donc prier pour nous afin que nous soyons développés. Pas le développement qu’on nous promet à la radio et pendant les campagnes électorales et les discours officiels. Nous voulons le vrai développement, celui qui prend en compte nos réalités.
A dire vrai, j’ai été fortement à la fois subjugué et impressionné par cette réflexion à laquelle je ne m’attendais point. J’ai dès lors compris que l’actualité que je voulais fuir est en train de me rattraper ici au campement, en pleine brousse, lieu où d’ordinaire ce genre de réflexion n’est pas évident. Quand j’ai essayé d’intervenir pour dire quelque chose suite à cette brillante remarque et réflexion de ce frère, un autre réclama la parole après avoir exigé qu’on remplisse son verre.
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D’ailleurs, commença-t-il, pourquoi verser tant d’argent dans la réhabilitation d’universités dont on sait que l’entretien ne suivra jamais ? Pourquoi s’endetter pour des choses éphémères ? Et puis, que vont devenir tous ces étudiants, nos frères, sœurs et amis, quand on sait que leurs aînés vivent un chômage chronique, la plupart étant devenus des gérants habiles de cabines qui viennent ici, de la ville, nous faire des transferts d’unités. A mon avis, ce ne sont pas les murs qu’il fallait repeindre, mais plutôt le système qu’il faut changer. Je suis toujours fort surpris que ce pays rempli pourtant d’intellectuels en soit encore à ce niveau de son système éducatif. Pendant la campagne, ils sont venus ici, dans des cortèges impressionnants malgré l’état de nos routes. Ils nous ont promis tant de choses qu’ils ont oubliées et donc qu’ils ne pourront jamais réaliser. Le cycle de l’enfer continue donc pour nous. Pour nous, les régimes passent mais se ressemblent. Au moins sous Gbagbo, on nous a acheté le cacao à 1000f un moment. Cela nous a donné au moins l’illusion d’être riches, mais depuis, plus rien. Des acheteurs véreux et sans scrupule venant de la ville nous obligent à leur brader nos récoltes. Nous sommes les oubliés et les misérables de la solution et du développement. Nous sommes importants pendant les élections. A l’évidence nous ne sommes pas leurs frères, amis et parents. Nous ne comptons pas à leurs yeux. Petit frère, comme tu es proche de Dieu et que tu lui parles chaque jour, demande-lui de venir nous sauver.
Le reste de notre causerie se passa dans cette ambiance politique inédite où chacun de mes frères et amis, à sa façon, en français ou en baoulé, voulait dire quelque chose, exprimer son mécontentement, exposer ses complaintes contre le régime et se confier à Dieu en me prenant à témoin de leur galère. Un des points chauds de cette causerie fraternelle a été la question du « rattrapage ethnique » dont l’actuel pouvoir se sert pour marginaliser et mépriser les autres ethnies du pays. Naturellement, certains y voient, pour des raisons qui leur sont propres, une « bonne chose » : cela permettrait, selon eux, à un groupe de diriger le pays en attendant le tour des autres. De cette façon, in fine, on verrait quel groupe a mieux dirigé. Evidemment, sans être d’avis avec leur idée, je la respecte tout de même. Beaucoup d’autres par contre y voient une fausse politique. Selon eux, le « rattrapage ethnique » à la mode et au programme aujourd’hui chez nous met dangereusement la différence entre les Ivoiriens et creuse davantage le fossé entre les groupes ethniques. Ils souhaitent qu’il y ait une intégration de toutes les ethnies dans la gestion des affaires du pays en vue de la construction de la nation ivoirienne. Si chaque président parvenu au pouvoir devrait promouvoir son clan, son ethnie et sa région, nous ne serons que des Ivoiriens mis les uns à côté des autres et toujours prêts à se faire la guerre. Ils ont relevé que si un groupe ethnique a pris les armes contre les autres, nous ne devons pas être surpris que demain un autre groupe en fasse autant, même si cela n’est pas leur souhait. Evidemment j’ai partagé leur point de vue en ingurgitant assez de bangui. Personnellement j’étais content de la maturité d’esprit et du raisonnement de ces frères qui naguère n’osaient pas s’aventurer sur le terrain politique. A ma question de savoir pourquoi ils émettent aujourd’hui des idées politiques de ce genre, ils me répondirent que Gbagbo, qu’on l’aime ou pas, et d’ailleurs qu’ils n’ont pas voté, leur a appris qu’il faut dire la vérité et ne pas avoir peur de la dire quel que soit celui qui est en face. Et que désormais, ils sont résolus à la dire. Ils m’ont dit avec force que même dans la brousse, au milieu de leur plantation, ils ne demeurent pas moins des citoyens ivoiriens ayant droit d’opinions et de critiques sur la vie de leur pays surtout quand il va mal comme cela est le cas aujourd’hui.
En dehors d’un seul de ces frères qui a dû arrêter ses études après le deug 1en lettres modernes pour des raisons économiques, tous les autres n’ont jamais vu un tableau noir. Jusque-là acteurs anonymes et ignorés de la vie de leur pays, réduits au simple statut de paysans analphabètes, ils veulent aujourd’hui, vu la gravité de la situation qui prévaut dans leur pays, sortir des sentiers battus pour tracer leur propre destinée. Ils m’ont martelé qu’ils veulent désormais réfléchir par eux-mêmes.
J’ai alors compris que sous le règne de Gbagbo les Ivoiriens ont été forgés à un autre type de mentalité. Leur esprit a été éduqué à la critique, à la perspicacité et à la philosophie. Aussi, quand j’ai dit à ces frères que désormais, avec le nouveau pouvoir qui règne à Abidjan et ses suiveurs, les Ivoiriens ne peuvent plus réfléchir de cette façon sans courir les risques de se faire zigouiller par les Frci, cette armée tribale à la solde du pouvoir, ils m’ont unanimement rétorqué que « nos idées sont nos idées. Personne ne peut nous les arracher. Nous ne voulons pas être les assimilés et les aliénés du régime ».
Quant au pot de bangui, il était déjà à la lie, à mon grand mécontentement.
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