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Dictateur et Déculotter
24/04/2014 21:16
Dictateur et Déculotter
- Le pouvoir ne va pas se déculotter devant le Fpi, dit le porte-parole du gouvernement ivoirien.
- L’on ne doit plus écrire dans les journaux que le chef de l’Etat ivoirien est un dictateur, a dit le gouvernement sous couvert du cnp.
Ces deux faits ont attiré mon attention de prêtre-chroniqueur surtout qu’ils se sont déroulés pendant la semaine sainte qui est de loin la plus importante du christianisme. Les mots dictateur et déculotter m’ont rappelé Pilate et les autres pontes de son époque tels les chefs religieux. Ensemble, ils ont décidé, sur fausses accusations, d’éliminer Jésus. Je ne reviendrai pas sur cet événement ici. Cependant les similitudes des faits ne m’ont pas échappé. Pilate et les chefs religieux de son époque qui ont condamné Jésus à mourir sur la croix sont depuis toujours décrits comme des dictateurs. Ces dictateurs ne voulaient pas se déculotter devant Jésus qui prétendait être Fils de Dieu, qui drainait du monde et que ses détracteurs regardaient comme un agitateur politique, un concurrent sérieux au siège royal. « Es-tu roi ? », lui demanda Pilate lors de son interrogatoire musclé. Pour cela, la royauté de son temps et ses tenants n’ont pas voulu se déculotter vis-à-vis de lui au risque de se voir renversée par celui qu’ils regardaient comme un prétentieux et surtout comme un adversaire à la fois politique et religieux. Chez nous, il y a un pouvoir et une opposition. L’opposition décrit et stigmatise le tenant du pouvoir comme un dictateur parce qu’il est minoritaire, torture, embastille et déporte tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Et le pouvoir le prévient qu’il ne se déculottera pas devant lui, traitant son chef d’agitateur politique portant atteinte à « l’ordre public ». (Chez les enfants, se déculotter veut dire enlever son caleçon). En attendant de passer à la vitesse supérieure, comme il sait bien le faire, il a décidé de fermer la bouche des journalistes et des journaux qui le traitent de dictateur. Il semble qu’il y a d’autres décisions plus importantes en vue. Il nous a habitués à cette façon de gouverner. Bien entendu, tout cela nous plonge dans un imbroglio politique dont une république qui veut se respecter et émerger ne devrait ni s’accommoder ni s’encombrer. Mais hélas ! Si la sagesse n’a pas habité Pilate et ses contemporains qui ont condamné à mort Jésus parce qu’ils ne voulaient pas se déculotter, on ne peut pas dire qu’elle habite aujourd’hui le pouvoir d’Abidjan qui ne veut pas lui aussi se déculotter en fermant la bouche des journalistes dont le métier est pourtant de parler et d’écrire ce qui va bien comme ce qui va mal dans une république en voie d’ « émergence ». En mon sens, un pouvoir qui ne veut pas être traité de dictateur ne doit pas agir comme celui d’Abidjan l’a fait. Quand on veut présenter sous les formes glorieuses son vertueux de chef et ses actions, on doit être pédagogue. Ici, l’être, c’est enseigner les vertus de son chef pour contrarier et convaincre ses détracteurs incorrigibles. Contre les arguments accusateurs des journalistes, le pouvoir aurait dû présenter les contre-arguments productifs et valorisants du chef vertueux et démocrate hors paire. Or, la décision qu’il a pris donne justement du poids aux arguments des journalistes accusateurs. On ne peut pas interdire à ceux-ci d’écrire que le chef est un dictateur en fermant les journaux. De même, on ne peut pas répondre à son opposition en la menaçant. Tous ces actes sont des actes d’un dictateur. Est-ce la sagesse qui a manqué aux chargés de communication du chef en intimant à la cnp de fermer ces journaux ? Je ne puis le croire. Car, ces décisions sont des actes mêmes de la nature du pouvoir en place à Abidjan. Ce sont effectivement les actes d’un dictateur. Et puis, on ne peut pas aller à l’ « émergence » en fermant les journaux qui ne pensent pas comme soi. Dans les pays qui ont de l’ambition, ces genres de journaux sont la prunelle des gouvernants et non des ennemis à abattre. Le sociologue français Gaston Bouthoul a examiné les caractéristiques du fonctionnement des régimes dictatoriaux. Il relève opportunément que la minorité qui s’empare du pouvoir exerce sans partage tous les droits politiques. Elle a seule vocation aux fonctions importantes de l’Etat, de l’administration et de l’économie. Elle est seule à jouir des avantages matériels très appréciables, surtout en pays de pénurie comme le nôtre. Dans un tel régime, il relève que les membres du parti constituent une véritable aristocratie et il tend à une véritable hérédité (chez nous c’est le rattrapage) inavouée. Les immenses avantages que confère l’appartenance au parti, affermissent la discipline et le conformisme. Et quiconque en est exclu perd tout : son emploi, sa maison, en un mot à la fois sa respectabilité et ses ressources (Cf. Sociologie de la politique, Puf, 1967, pp.77-78). Pour paraphraser l’altermondialiste Aminata Traoré, une femme de combat que j’aime particulièrement, je soutiens que la vérité et la justice sont aujourd’hui ce dont nous avons besoin chez nous et de manière générale en Afrique, pour ne pas avoir honte de nous-mêmes, ne pas désespérer de nous et de cette Afrique qui nous tient à cœur: (Cf. L’Afrique humiliée, 2011, p.87).
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11 avril 2010-11 avril 2014: saison 3 d'un déni de démocratie
10/04/2014 17:33
11 avril 2011- 11 avril 2014: saison 3 d'un déni de démocratie
Il y a exactement trois ans, les forces du mal se sont violemment emparé de notre pays. Dans l'état actuel de celui-ci, les mots, malgré tous le poids qu'on leur donne, suffisent-ils pour décrire ou nommer le chaos ou l'anomie qui y règnent? Tout bien pesé, qu'est-ce qui n'aurait pas encore été suffisamment dit sur la situation actuelle de la Côte d'Ivoire, depuis les origines jusqu'à maintenant, qui vaudrait encore quelque intérêt et attention à l'occasion de ce sombre anniversaire? Ces mots seront-ils, d'ailleurs, assez percutants pour titiller les oreilles des bombardiers démocratiques qui ont pris notre pays en otage avec leurs complices occidentaux?
1) Écrire notre histoire
C'est Jean-Jacques Becker, doyen des historiens français de la Première Guerre Mondiale qui a noté «qu'il n'y a pas de remarque plus sotte, ni plus fréquente, que de se demander ce que l'on peut encore bien écrire sur la Grande Guerre après que tant d'ouvrages, de films, de romans lui ont été consacrés.» (Revue historique des armées, 242/2002, pp4-15). De son côté, l'écrivain chinois Liu Zhenyun reconnaît qu'«il est difficile d'écrire sur l'actualité, car il y a des choses sensibles, des tabous». Il relève aussi qu'«il est encore plus difficile d'écrire sur le passé, d'en trouver la vérité.» (Interview dans le quotidien français DNA du 17 mars 2014, p.8). N'empêche, pour paraphraser l'historien et géographe Stéphane Vautier je confirme qu'écrire sur la guerre en Côte d'Ivoire semble aller de soi.
Pour ma part, ayant moi-même, dans mon corps et mon âme, vécu ces douloureux événements, j'ai décidé depuis le 11 avril 2011 de me ranger du côté des maltraités, des opprimés et des laissés pour compte. Prêtre, je n'ai pas compris et supporté l'horreur qui a conduit la gent armée au pouvoir. Très modestement, j'essaie de dire ma part de vérité, de constituer sobrement ma propre littérature de guerre, au nom de ma foi car contrairement à ceux d'en face je suis convaincu que seuls ma foi et les mots pour l'exprimer peuvent nous introduire dans ce que le pape Jean Paul II a appelé intelligemment «la civilisation de l'amour».
Redire ce qui a été plusieurs fois déjà dit fait aussi partie de la foi. Depuis trois ans, je parle et je parle, j'écris et j'écris. Ceux qui prennent de leur temps pour me lire sauront mesurer la justesse ou non de mes propos. Pour ce troisième anniversaire de notre drame, je vous invite encore à me lire.
2) Problématique existentielle
Je voudrais poursuivre la présente réflexion en empruntant et m'appuyant opportunément sur les propos de Charles Onana: «Ce qui oppose fondamentalement le président Gbagbo aux dirigeants français, c'est non seulement l'orientation politique et le destin qu'il veut donner à la Côte d'Ivoire mais aussi et surtout la personnalité même du chef de l'Etat ivoirien. Les dirigeants français de cette période ont une certaine idée de ce que devrait être la Côte d'Ivoire et ses dirigeants. Le chef de l'Etat ivoirien, lui, en a une autre, à l'opposé de celle de ses partenaires français.» (France-Côte d'Ivoire. La rupture, Paris, Duboiris, 2013, p.13). Me concernant, je crois que ceux qui nous gouvernent aujourd'hui malgré nous ne seront jamais sur la même longueur d'onde que nous dans notre façon de percevoir l'évolution du monde et dans notre orientation souhaitée de l'avenir de l'Afrique et de notre pays en particulier. Quel est leur choix? Faut-il que nous soyons ce que nous voulons être, selon notre propre philosophie, notre propre génie et intuition, ou au contraire faut-il que notre être et notre destin soient pensés, inventés et nous soient parachutés de l'extérieur, de la France notamment? Faut-il choisir notre libération ou confirmer notre sujétion ; devenir ce que nous sommes ou le vivre avec une personnalité d’emprunt? Doit-on créer notre propre Histoire ou laisser nos maîtres la créer et l'écrire à notre place et contre nous? L'enjeu de l'après 11 avril 2011 reste essentiellement accroché et articulé à cette problématique existentielle. Tout le reste n'est que l'application du choix que nous aurions fait. Sur cette question qui normalement devrait nous mobiliser et galvaniser tous, le constat est que nos opinions restent diamétralement opposées les unes aux autres pour notre propre malheur. Si nous limitons le 11 avril à la célébration de la défaite ou de la victoire selon le camp dans lequel nous nous trouvons et où l'histoire nous a placés, sans nous laisser porter et marquer par cette réflexion, nous serions les plus à plaindre. Quel sens devons-nous désormais donner au 11 avril? La question ne pourra jamais être subsidiaire. Elle est ouverte à tous.
3) Appeler au débat post 11 avril 2011
Pour le moment, je suis triste de constater que les «vainqueurs» du 11 avril font du surplace, incapable d'élever le niveau du débat démocratique qui n'est pas loin du débat intellectuel et forcément à mille lieues des bombes. Pourtant, je pense que trois ans après, ils auraient dû prendre la mesure du problème et nous convoquer pour débattre. Au lieu de cela, c'est la diversion et la coercition qui nous sont proposées quand certains de ceux qui ne pensent pas comme eux sont impitoyablement traqués, emprisonnés, torturés et déportés. En voulant nous approprier, les deux camps que nous constituons, le 11 avril sans lui donner un contenu réel et pertinent, nous nous conduisons tout droit vers le précipice. J'invite donc les «vainqueurs» à inviter les «vaincus» pour construire l'après 11 avril: voir quel sens réel nous voulons lui donner, en quoi peut-il nous permettre d'être nous-mêmes? Comment peut-il nous aider à éviter de sombrer en permanence dans la misère et la détresse qui nous emportent en ce moment? Bien entendu, le débat se fera dans la tranquillité et la sérénité, sans armes et sans canons ou bombes, qui de toutes façons ne construisent pas mais détruisent. Il se fera avec nos intelligences et nos voix, fort loin de la «haine de l'adversaire» ou de «l'ennemi» jurés.
Pour l'essentiel, nous pouvons être convaincus, du moins du côté des «vaincus» que les armes ne seront jamais la «solution» à notre misère. Tout au plus, elles peuvent aider, avec quelque complicité, à occuper des postes et quelques strapontins. Mais elles ne garantissent outre mesure ceux-ci. Raison pour laquelle le débat reste nécessaire. Car lui seul constitue l'essentiel et pérennise les acquis. Depuis le 11 avril 2011 jusqu'aujourd'hui 11 avril 2014, notre démocratie dont les acquis étaient encore fragiles, a pris un autre virage, guidée malheureusement par les armes portées par des hommes, véritables marchands du surnaturel et trafiquants incorrigibles de puissances occultes, à qui le débat intellectuel et donc rationnel ne dit rien naturellement et qui sont toujours prêts à bander les muscles contre leurs opposants. Ce que nous avons tous vécu dans notre conscience collective nationale doit sonner l'alerte pour éloigner définitivement de nous la malédiction, le sort et la fatalité de la destruction et du chaos. En fermant les yeux sur les difficultés qu'il y a aujourd’hui et qui pourraient susciter d'autres demain, nous prenons le grave risque de faire la place à des gangs qui feront de notre pays leur terrain de jeu guerrier. N'ayons donc pas peur du débat. Lui seul est capable de nous guérir, nous réconcilier et nous construire. C'est l'articulation savante que nous aurions pu faire entre le 11 avril 2011 et les événements qui l'ont suscité et ceux qui lui ont succédé qui nous fera entrer dans la logique et la dynamique de la réconciliation, de la reconstruction et de la «civilisation de l'amour». C'est elle qui pourra désormais guider notre «politique» et notre «destin».
4) «Orientation politique» et «destin»
Dans la réflexion de Charles Onana que nous avions mentionnée plus haut, les notions d'«orientation politique» et de «destin» devraient être incontournables dans le débat que nous devons obligatoirement convoquer et engager. A y voir de près, elles pourraient même constituer, loin des jeux d'intérêts et des opinions dogmatiques, le socle et le fondement de notre engagement sociétal car elles ont l'avantage de nous faire prendre conscience de notre existence en nous projetant utilement, avec nos propres forces, dans notre avenir commun. Elles ont surtout l'avantage d'être neutres, car n'ayant aucune coloration politique. Elles ne font pas partie de nos slogans politiques actuels qui nous bourrent inutilement le cerveau. Elles peuvent donc nous mettre en confiance les uns envers les autres. Parvenus, de gré ou de force, à la croisée des chemins, rien de tout ce qui peut encore nous unir ne doit être méprisé. Surtout, ne croyons pas que rien ne puisse encore nous unir. Ce qui peut nous mettre ensemble aujourd'hui peut être paradoxalement ce qui nous a désunis hier et nous a dressés les uns contre des autres, même si nous les avons volontairement et violemment politisés (les armes contre les mains nues, les patriotes contre les miliciens, le nord contre le sud, Lmp contre Rhdp, pro-Gbagbo contre pro-Alassane, Blé Goudé contre Soro, communauté internationale contre souveraineté nationale), à savoir le 11 avril et tous les événements graves qui l'ont préparé. L'intérêt que peut susciter pour nous le désormais 11 avril pourrait certes porter toutes nos haines, nos méchancetés et nos cruautés, mais aurait l'avantage de les transformer en amour et en civilisation. Sans doute, les occidentaux ont-ils tiré énorme profit des deux Grandes Guerres Mondiales qu'ils ont vécues dans leur chair. En célébrant cette année le centenaire de la Première, il n'y a pas de doute qu'ils ne se souviendront pas de toutes les misères qu'ils ont connues dues au mépris qu'ils avaient les uns envers les autres à un moment donné de leur histoire commune. Forts de cette réminiscence cathartique et salutaire, ils continueront, à n'en point douter, à solidifier leurs rapports les uns avec les autres qu'ils construisent fort bien aujourd'hui. Le débat est donc incontournable dans notre cas pour orienter lumineusement notre politique et agir courageusement sur notre destin. Il s'agit d'être convaincu que ce que nous voulons et devons être ne peut jamais nous venir du dehors. En construisant notre avenir dans notre propre sang et à la sueur de notre propre front, nous saurons mieux les essuyer définitivement que quiconque. Ne nous créons plus l'illusion que la France et les autres occidentaux nous aiment tant et qu'ils viendront toujours nous sauver de notre misère. Comptons d'abord sur notre propre amour et imposons-le aux autres avant de rechercher le leur ensuite.
Terminons avec le sage sud africain que nous vénérons tous aujourd'hui: «Notre expérience nous a appris que, avec de la bonne volonté, on peut trouver une solution négociée même aux problèmes les plus profonds.» (Nelson Mandela, Pensées pour moi-même, Paris, Points, 2011, p.327).
La haine et le mépris n’arrangent rien !
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"Les faits sont têtus"
10/04/2014 17:14
« Les faits sont têtus »
« Sans doute. Notre expérience est différente de celle des autres et cette spécificité a généré de notre part des réponses elles aussi spécifiques, parfois complexes à expliquer. Il ne faut pas oublier – même s’il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet tabou- le rôle clé, dans les racines historiques mais aussi dans le déroulement du génocide, de ces mêmes puissances occidentales qui, aujourd’hui, définissent seules les règles de la bonne gouvernance et les normes de la démocratie. Elles aimeraient que le Rwanda soit un pays ordinaire, comme si rien ne s’était passé, ce qui présenterait l’avantage de faire oublier leurs propres responsabilités, mais c’est impossible. Prenez le cas de la France. Vingt ans après, le seul reproche admissible à ses yeux est celui de ne pas en avoir fait assez pour sauver des vies pendant le génocide. C’est un fait, mais cela masque l’essentiel : le rôle direct de la Belgique et de la France dans la préparation politique du génocide et la participation de cette dernière à son exécution même. » (Jeune Afrique n°2778 du 6 au 12 avril 2014, pp.22-23).
Ces propos du président rwandais Paul Kagamé méritent leur place dans cette rubrique. Comme à ses habitudes, le ton est direct, à la fois franc et courageux. Paul Kagamé (re) met ici en exergue la responsabilité directe de la France dans ce drame historique qualifié de génocide qui a emporté huit cent mille de nos frères rwandais et dont la célébration des vingt ans se déroule depuis cette semaine. A la suite de ces propos, et comme toujours, la France a distrait le monde en les détournant de leur véracité pour lui servir une querelle et une cacophonie diplomatiques inutiles et de mauvais aloi entre Kigali et Paris. Malgré sa divagation, le rôle de la France dans ce dernier génocide africain du siècle passé (en souhaitant qu’il n’en ait plus) reste entier. Depuis vingt ans, sa responsabilité n’a jamais été douteuse malgré les subterfuges dont elle use chaque fois que le sujet est abordé sur la place publique. Contre sa responsabilité, la France brandit sa « grandeur », son « honneur », celui de son « armée » et de ses « diplomates ». Comme s’il s’agissait de cela ici. D’ailleurs, suffit-il d’être armée et diplomates français pour ne pas être concepteur de génocide ? La France officielle ne sera jamais assez courageuse pour répondre à cette importante question. Mieux, au lieu de brouiller sans cesse les pistes, qui de toute façon doivent s’éclairer tôt ou tard, la France doit se demander pourquoi c’est elle qui est toujours chargée sur cette question et mise au banc des accusés. Il en est de même pour tous les autres faits dans lesquels la France est impliquée de façon particulière en Afrique. Là où la France agit sur ce continent, jamais la vérité n’est plausible et évidente. Il y a toujours une large couche de doute, de mensonge, de demi-vérité, d’intimidation qui couvre d’un masque de laideur les manœuvres et ses actions en Afrique. Son mode opératoire dans ce continent est toujours lugubre et mystérieux qui échappe à toute logique et intelligence. Dans un livre très documenté qui vient de paraître en ce début du printemps, Jean-François Dupaquier, très impliqué dans la recherche de la vérité sur le génocide rwandais remet au goût du jour les complicités françaises. Eric Gillet qui a préfacé ce pavé de 480 pages écrit : « L’ouvrage de Jean-François Dupaquier décrypte cette réalité, dans les registres de la propagande et de l’action elle-même en ce qui concerne le cas français. Il nous montre en effet une réalité terrifiante : certains de ces milieux ont en fait joué un rôle d’interlocuteur actif dans la préparation de la solution finale rwandaise. Ils ont eux-mêmes utilisé le Rwanda comme un terrain d’expérimentation de la guerre psychologique, pensant, dans ce micro-Etat très éloigné, pouvoir le faire sans avoir à répondre de leurs actes. Un petit pays d’Afrique sans importance, utilisé comme laboratoire. » (J.-F. Dupaquier, Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda. Chronique d’une désinformation, Paris, Karthala, 2014, p.11). Tout le monde a fini par reconnaître que le génocide rwandais n’est pas une génération spontanée comme les vaticinateurs l’ont chanté dès le départ pour cacher leur ignominie. Il a été méthodiquement et scientifiquement préparé par ses exécuteurs aidés par des mains occultes qui courent encore. Un témoin-clé de cette grise que nous avions rencontré il n’y a pas longtemps lors d’un colloque sur ce génocide a soutenu, preuves à l’appui, que la France y a joué un rôle extrêmement important. Pourquoi, pour une fois, la France ne mettrait pas son « honneur » en jeu en acceptant, sur la place publique, de faire toute la vérité dans cette affaire qui colle à ses pieds comme un boulet qu’elle trainera au long de l’histoire tant qu’elle entretiendra le flou et la diversion diplomatiques ? Il serait juste, pour son « honneur » gravement et historiquement souillé, que la France joue cartes sur table pour purifier sa propre mémoire vis-à-vis d’un peuple qui l’accuse à longueur de discours et de publications de l’avoir massacré pour protéger ses propres intérêts. « Les faits sont têtus ». A dit Paul Kagamé lors de son discours inaugural pour le vingtième anniversaire du génocide.
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Leçons de France
04/04/2014 11:25
Leçons de France
Les 23 et 30 mars derniers, le peuple de France a été invité à choisir ses conseillers municipaux qui vont diriger la vie des communes les six prochaines années. Ces élections municipales étaient très attendues dans l’Hexagone. Et l’ambiance médiatique qui les a préparées a su fixer l’événement dans les esprits et préparer les différents états-majors. En dehors d’un simple choix de conseillers municipaux, ce qui devrait être banal, il devrait aussi et surtout être question de tester la popularité et la situation des différents clans politiques plus d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir. A cette occasion donc, les différents clans traditionnels, gauche, droite, extrême gauche, extrême droite et centre ont pu vérifier leur force en se mesurant les unes aux autres dans les urnes. Les vrais enjeux de cette élection étaient de tester l’efficacité de la gauche au pouvoir dont François Hollande est le porte flambeau. En effet, selon les statistiques régulièrement mis à jour, Hollande est le président le moins populaire que la France ait connu sous la Vè république. Sa côte de popularité ne dépasse pas en ce moment les 19 pour cent et baisse au fil des statistiques! Et les résultats de ces élections ont confirmé son impopularité de fait. Les français sont donc gouvernés par quelqu’un qu’ils ont élu et qu’ils n’aiment plus seulement quelques mois après son atterrissage à l’Elysée. Pour exprimer leur colère contre leur président mal-aimé, les français se sont fait entendre dans les urnes et non dans les armes. En humiliant la gauche et son représentant dans les urnes au cours de ces élections, les français donnent une leçon d’intelligence politique aux Africains et aux Ivoiriens en particulier. En politique, les urnes sont le contraire des armes. Si les armes sont le moyen d’expression des barbares et des inintelligents, les urnes, elles, symbolisent l’intelligence et la civilisation. En disant non à la politique impopulaire de leur président, les français nous démontrent qu’on peut changer son président sans les armes. Quels sont les décisions de Hollande qui le rendent si populaire ? Notons sa loi sur le mariage pour tous qui autorise l’union homosexuelle (alors que lui-même n’est pas marié !), l’augmentation des impôts et son extension exagérée aux foyers les plus modestes, le chômage des jeunes sans cesse croissant au fil des mois, la traque des Roms qui a atteint son point d’orgue avec l’épisode de la jeune Léonarda, kidnappée dans son école et rapatriée chez elle avec ses parents, le pacte de responsabilité, la volonté d’introduire le principe du genre à l’école, la réforme de l’école. En plus, sa déconvenue avec sa copine et concubine Valérie révélée par la presse (à l’occasion l’on a vu Hollande casqué sur un scooter pour une virée nocturne avec Julie). Exaspérés par toutes ces décisions auxquelles s’est ajouté le comportement indélicat de l’individu lui-même, les français ont manifesté publiquement leur colère à celui qu’ils ont eux-mêmes choisi pour remplacer un autre moins célèbre, Nicolas Sarkozy qu’ils ont rejeté dix-huit mois plus tôt. Ce non retentissant donné à la gauche doit faire réfléchir les Africains qui ne comptent que sur les dirigeants français pour gouverner leurs peuples. Hollande qui a été appelé « papa » au Mali est un président impopulaire chez lui, peut-être un « bébé » ! Son peuple ne l’aime plus. Il refuse sa politique. Comment en Afrique devons-nous encore compter sur un tel homme pour vivre et se sentir en sécurité en lui confiant notre sort? Même si un prophète n’est méprisé que dans sa patrie et donc qu’il brillerait à l’étranger, le cas du sieur Hollande doit nous faire prendre conscience, surtout à nos chefs d’Etat qui ne jurent que par lui et son gouvernement. De son côté, le peuple français donne aussi des leçons aux peuples africains. Un président n’est pas un dieu. On le vomit et on le lâche quand il ne porte plus nos espérances. On le sanctionne sévèrement quand sa politique nous déroute. On ne soutient pas un président et on ne s’accroche pas viscéralement à lui parce qu’il vient de ma région ou qu’il est de mon ethnie. Aussi, les écologistes qui cogèrent avec la gauche ont refusé de demeurer dans le gouvernement de Manuel Valls parce que « les idées portées par le nouveau premier ministre…depuis plusieurs années(…) ne constituent pas la réponse adéquate aux problèmes des Françaises et des Français », disent les ministres écologistes Cécile Duflot et Pascal Canfin. Si cela n’est pas une leçon directe à la brumeuse coalition qui terrorise les Ivoiriens aujourd’hui, surtout le Pdci, il n’en est pas vraiment loin. Bien entendu, pour parvenir à telle maturité politique il faut que le peuple soit formé et instruit. Quand les populations de nos Etats, y compris des ministres, sont en majorité constituées d’analphabètes, on ne peut pas leur enseigner le modèle français. Cependant il nous faut vaille que vaille parvenir à cela si l’on ne veut pas courir le risque de continuer à livrer nos Etats aux malfrats qui les prennent en otage pendant qu’ils s’enrichissent, à l’image de la bande armée actuellement au pouvoir à Abidjan.
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Esclave de sa haine
28/03/2014 01:12
Esclave de sa haine
Le pouvoir d'avoir d'Abidjan s'est résolument inscrit, contre tout bon sens, et pour ses propres intérêts, dans la traque systématique et incorrigible de ses opposants. Et la déportation de Blé Goudé doit faire partie de ses plus grosses prises. Nul n'est dupe. L'euphorie démesurée de ses partisans ne dit pas le contraire. Tout le monde sait fort bien que derrière cette déportation, il y a une forte odeur de haine, de mépris et de vengeance. Charles Blé Goudé a été, pendant neuf ans, et de bout en bout, même à ses risques et périls, le véritable contre-feu de la rébellion et de la France dans leur volonté absolue de briser le pouvoir de Gbagbo et de soumettre la Côte d'Ivoire à leur coupe par tous les moyens. Il faut donc qu'il paie cash cette témérité contre l'ancien colon ou de façon plus moderne contre l'Occident. Car aujourd'hui, on ne peut pas s'en prendre à l'occident et s'en sortir. Qui s'y frotte s'y plante! C'est le dieu de la terre contre lequel il ne faut pas blasphémer. Mais en faisant le jeu de cet occident méprisant et suffisamment arrogant, le pouvoir d'Abidjan exprime lui aussi sa propre haine et son éternelle cruauté contre ceux qui ne le caressent jamais dans le sens du poil. Ceux qui ont de l'importance à ses yeux et qu'il faut protéger, se sont ses suiveurs, ses applaudimètres, ses lèche-bottes, ses rattrapés et consorts, ceux qui sont là juste quand il tousse. Sans qu'il s'en rendre compte, à moins de l'ignorer, la haine qui l'étreint et le met en transe le rend esclave. Le pouvoir d'Abidjan est ainsi et depuis toujours esclave de sa propre haine. Or en politique, la haine et le mépris dogmatisés des autres ont toujours un retour fatal contre ceux qui les entretiennent. C'est certainement la leçon que le pouvoir d'Abidjan feint d'ignorer, grisé qu'il est par ce qu'il croit naïvement être ses soutiens occidentaux. N'ayant pas tiré les conséquences de sa première déportation, il récidive en comptant sur la peur des Ivoiriens pris en otage et terrorisés par une armée de dozos. Mais quand un pouvoir compte sur la peur d'un peuple qu'il terrorise, quand il suscite toujours la peur et la terreur chez le peuple, il cache de cette façon, sans le savoir, sa propre peur du peuple. Car, la peur du peuple se transforme toujours et immanquablement en courage et en audace quelle que soit la cruauté du tyran en face. «J'ai appris que le courage n'était pas de ne pas avoir peur, mais d'en triompher. Moi-même, j'ai ressenti la peur plus de fois que je ne peux m'en souvenir, mais je la cachais derrière un masque intrépide. L'homme courageux n'est pas celui qui n'éprouve pas la peur, mais celui qui l'apprivoise», révèle Nelson Mandela (Pensées pour moi-même, 2010, p.129). Si la peur du peuple le conduit au courage, celle du pouvoir le conduit, par contre, à sa propre chute. Sa peur, c'est le risque de perdre ses propres intérêts. Et son armée qu'il dresse contre les autres sous prétexte de «maintien de l'ordre», c'est la méthode pour lui de protéger, vaille que vaille, ses intérêts, ceux de son clan et de ses suiveurs invétérés. Depuis longtemps, en surfant sur ce qu'il croit être la peur du peuple, le pouvoir d'Abidjan demeure dans sa propre logique suicidaire qui dresse les Ivoiriens les uns contre les autres et qui lui profite pour l'instant. En exploitant la peur d'un camp, il creuse sa propre tombe. En fermant les yeux sur les souffrances d'un camp qu'il traumatise depuis, il démontre sa haine et son incapacité à unir les Ivoiriens. Il se sert alors de la «réconciliation» comme un dogme pour attirer les bailleurs de fonds qui viennent remplir ses caisses de dettes.
Quel est l'avenir de la Côte d'Ivoire quand tant de haines et de mépris sont semés au milieu du peuple par ceux qui règnent sur lui? Doit-on continuer de faire de ce pays le terrain de jeu de gangsters supportés par la nébuleuse communauté internationale et des multinationales de la guerre qui ne gèrent que leurs intérêts au mépris de ceux du peuple? Gouverner, c'est être sage. Conséquemment, celui qui manque de sagesse ne peut pas gouverner malgré la terreur qu'il suscite et manipule. Pour ne pas le comprendre, le pouvoir d'Abidjan, qui compte certainement sur ses muscles et ses bombes pour semer la peur et la terreur est en train de nous conduire dans l'abîme.
Maintenant que Gbagbo Laurent et Blé Goudé se retrouvent à la CPI où va les rejoindre incessamment Simone Gbagbo, que devient la Côte d'Ivoire? Comment les Ivoiriens devraient-ils se regarder dorénavant surtout que ces déportations font la joie d'un groupe contre un autre? Le pouvoir d'Abidjan est-il fier de voir autant de personnalités ivoiriennes humiliées de cette façon, livrées à la vindicte populaire? En battant le record de la déportation à la CPI, c'est tout le pays qui est ainsi humilié. Pour une simple crise électorale qui n'a duré que quelques mois, trois Ivoiriens se retrouvent à la CPI. Pourtant, en ouvrant les yeux sur ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, on peut bien voir qu'il y a pire ailleurs que ce qui s'est passé chez nous. Mais le ridicule est plus grand quand les déportés ne proviennent que d'un seul et même camp, le camp des «vaincus». Ce camp n'a pourtant pas suscité la guerre qui a conduit à notre crise! Que ferons-nous alors de ceux qui ont pris les armes et sont devenus les rois du pays avec leurs armes en bandoulière et la main constamment scotchée sur la gâchette? Retenons simplement que pouvoir et haine sont antithétiques.
«Le commandant Bertin le fit attendre (le lieutenant) sous la véranda, assis sur un banc. Les gardes lui dirent à peine bonjour. Le planton le narguait: «Hier éléphant, aujourd'hui lièvre! Je vous le dis, et c'est la sagesse des ancêtres: ne te mets pas sur le dos pour lancer un jet d'urine en air. Quelques gouttes pourraient te retomber sur le bas-ventre» (Massa Makan Diabaté, Le lieutenant de Kouta, Paris, Hatier international, 2002 (nouvelle édition), p.131).
Quand un chef n'écoute que les conseils de son propre camp, il n'est pas loin de recevoir son propre «jet d'urine» sur son «bas-ventre.»
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