Le retour
Au nom de notre foi renaît de ses propres cendres comme le phénix de la mythologie grecque. Ainsi pourrais-je qualifier volontiers le retour quasi inespéré et inattendu de cette rubrique hebdomadaire qui s'est acquis et même conquis quelques cœurs et esprits bienveillants pendant plus d'un an. En effet, il y a quelque quatre mois que votre rubrique à laquelle vous vous êtes habitués s'est éclipsée, contre la volonté de son modeste animateur que je suis. Les quelques messages que j'ai reçus dans ce sens s'inquiétaient de ce que j'étais devenu. Beaucoup ont même imaginé que j'ai reçu l'ordre de ma hiérarchie de me taire et de me contenter de dire les messes, sans plus. A beaucoup je n'ai pas voulu répondre à l'époque. Aujourd'hui, je puis leur dire clairement que depuis trois mois, je me trouve hors du pays pour des raisons d'étude. C'est la seule et unique raison de ce silence non mystérieux ou commandé. Habité par le désir de la formation et donc du savoir intellectuel, je suis maintenant en France pour préparer et soutenir une thèse de doctorat en théologie (dogmatique). Annoncer Dieu aujourd'hui et toujours exige un minimum de connaissance et de savoir aussi bien spirituel que livresque dans un monde de plus en plus exigent. C'est à cette exigence existentielle que je veux répondre en m'exilant pour ces études qui vont me prendre quelques années. Et puis, j'ai voulu aussi me donner quelques temps de repos après être sorti de ce cratère ivoirien, en m'habituant à d'autres choses comme le froid qui caille en ce moment dans l’hexagone.
Cependant, bien que désormais éloigné du chaud terrain politique du pays, et donc à mille lieues de là, de la réalité du terrain, je sens toujours le besoin sourdre en moi et même l'obligation de regarder, de lire et d'analyser la vie sociale et politique de mon pays à la lumière de ma foi chrétienne catholique que je revendique partout. Je suis fier d'être chrétien catholique et encore davantage prêtre. Et je me sens l'obligation de contribuer à l'avancée positive de ma société en y apportant et enseignant le message de paix et de libération de Jésus-Christ qui se résume en message de vérité et de salut. Surtout, quand les choses ne vont plus, quand le peuple est pris en otage par des illettrés parvenus et divinisés, quand il est maltraité et affamé comme cela l'est aujourd'hui dans mon pays, quand des dirigeants arrivent au pouvoir par les armes avec la complicité flagrante et insolente d'une coalition internationale pompeusement et injustement estampillée «Communauté internationale», quand ce pays est vendu et pillé par les multinationales guerrières qui exploitent, pillent et appauvrissent un peuple désemparé comme le mien l'est aujourd'hui, un chrétien et qui plus est un serviteur du Christ Libérateur, ne doit pas se taire et laisser le peuple de Dieu mourir d'injustice pendant qu'il se met au chaud dans sa sacristie. C'est ce que cette rubrique tente de faire, tant bien que mal, depuis plus de deux ans avec toute la modestie qu'il faut à une œuvre de libération. En décidant de reprendre la lutte (ou de déterrer la hache de guerre contre la médiocratie) là où je l'ai laissée il y a quatre mois, je veux marquer mon respect, ma fraternité et ma fidélité à tous les Ivoiriens qui souffrent dans leur chair, maltraités et torturés dans les camps de tortures éparpillés dans tout le pays, mon soutien sans faille aux combattants de la liberté et de la démocratie qui au milieu du «feu», de la «flamme» et de la «boue» résistent à la dictature armée d'Abidjan avec tout le risque de se retrouver «au cimetière» que leur réserve Ahmadou Soumahoro et son Rdr (le maître du Dire bien l'appelait «rd'hier»).
Au nom de notre foi revient donc pour prendre sa part de lutte dans l'imbroglio politique servi avec arrogance et grand tintamarre aux Ivoiriens par les bombardiers démocratiques installés par la clique sarkozienne. Si le pape François nous invite à mépriser et fuir «la mondialisation de l'indifférence», nous devons comprendre que la lutte contre cette indifférence doit être combattue partout où elle s'installe. Laisser l'injustice et l'exploitation des pauvres prospérer surtout sous nos tropiques par peur de la dictature et de la racaille installées dans les palais présidentiels, c'est refuser d'assumer son existence. L'on existe que parce qu'il lutte. Pour moi, la lutte contre l’injustice et la dictature ennoblit l'homme. Le Christ nous invite à lutter contre ce qui animalise l'homme. Contre une spiritualité de pure émotivité nous devons opposer une foi plus engagée là où l'homme est confronté aux problèmes quotidien de la mort. Telle est la mission que le Christ et l'Eglise assignent à leurs serviteurs que sont les prêtres. Je me suis inscrit depuis longtemps dans la logique et la dynamique de cette mission. Et je ne suis pas prêt à abdiquer.
Je voudrais remercier et rassurer tous les lecteurs qui se sont inquiétés pour moi un moment. Votre émotion est le signe de l'intérêt que vous portez à mes modestes réflexions consignées hebdomadairement dans cette rubrique. Je n'oublie pas les responsables de Notre voie pour leur confiance sans faille et leur respect à ma modeste personne. A partir de ce samedi et tant que la force me le permettra, vous retrouverez votre rubrique bien aimée dans le journal que vous tenez en main et sur mon blog.